Île-de-France : le FN séduit dans les zones délaissées par les transports

Par Mathias Thépot  |   |  941  mots
Les communes délaissées par les transports publiques en Île-de-France ont massivement voté pour le Front National.
Troisième lors du premier tour des élections régionales en Île-de-France, la liste Front national de Wallerand de Saint-Just arrive en tête dans de nombreuses communes éloignées du centre de l'agglomération parisienne, mal desservies par les transports en commun, pourtant la première compétence de la région.

Moins fort que dans la plupart des autres régions françaises, le FN francilien, troisième au premier tour des élections régionales avec 18,7 % des suffrages exprimés, aura en fait principalement séduit dans les communes les plus éloignées du centre de l'agglomération parisienne, notamment là où le sentiment d'être laissé-pour-compte par les politiques publiques est le plus fort. L'écrasante majorité des 682 communes, dans lesquelles la liste FN de Wallerand de Saint-Just est arrivée en tête, est en effet située à l'extrémité de la région Île-de-France, c'est à dire dans l'est de la Seine-et-Marne, dans le sud-ouest des Yvelines, dans l'ouest du Val d'Oise et dans le sud de l'Essonne.

Mécontentement

La plupart de ces communes se situent même au-delà des terminus des différents RER. De fait, les services de transports en commun y sont bien moins efficients qu'au centre de l'agglomération. Les retards, l'illisibilité du réseau, voire parfois l'absence de total de services participent à faire monter le mécontentement des habitants de cette grande couronne francilienne. D'autant que « le trafic dans les transports en commun augmente de 2 % à 3 % par an depuis 10 ans », remarque Marc Pelissier, président de l'association des usagers des transports en Île-de-France.

Faute de pouvoir bénéficier d'un service de transports satisfaisant, certains franciliens prennent leur voiture, et se retrouvent alors confrontés aux problèmes de saturation des routes et des autoroutes. Un cercle vicieux s'enclenche : « la grande couronne subit une grande partie des difficultés des réseaux ferroviaires franciliens », regrette Marc Pelissier.

La région a pourtant les compétences en matière de transports pour améliorer le réseau. Elle consacre à cette tâche près de 2 milliards d'euros chaque année, soit environ 40 % du total de son budget. Mais aux extrémités de la région, les résultats de ces politiques ne se font pas toujours ressentir. « Certains franciliens ont le sentiment qu'il ne se passe pas grand-chose de tangible sur les transports alors qu'ils paient pour cela », explique Marc Pelissier.

Pass Navigo à tarif unique

Le conseil régional, dirigé par la gauche, a bien instauré le Pass Navigo à tarif unique en septembre dernier, une mesure visant notamment à redonner du pouvoir d'achat à certains habitants de la grande couronne. Mais visiblement, elle n'a pas eu les effets escomptés dans les zones les plus éloignées de Paris, puisque la gauche y a réalisé de faibles scores lors du premier tour des élections.

« Certes, on peut considérer que les gens accueillent toujours favorablement les mesures améliorant leur pouvoir d'achat. Mais cela ne résout en rien leurs difficultés du quotidien, qui proviennent notamment de la mauvaise qualité des services qui leur sont proposés pour se déplacer, et pour lesquels peu d'améliorations sont perçues », explique Marc Pélissier. De toute façon, « seulement entre 15 % à 20 % des habitants de la grande Couronne possèdent un forfait Navigo », ajoute-t-il.

Malgré ses compétences, le conseil régional éprouve les pires difficultés à limiter l'accroissement des inégalités territoriales dans la région capitale, peuplée de 12 millions d'habitants. Le Front national s'est ainsi engouffré dans la brèche, axant une partie de sa campagne sur l'oubli des habitants de la grande couronne francilienne par les dirigeants politiques au pouvoir. Pour sa part, la tête de liste de Debout pour la France, Nicolas Dupont-Aignan, dont les voix du premier tour (6,57 %) proviennent principalement de la grande couronne, avait aussi axé sa campagne sur ce thème : « les habitants de la grande couronne sont les oubliés de la politique régionale de transport », déplorait-il.

Un ras-le-bol exprimé

Le vote de dimanche dernier est donc aussi un message clair envoyé aux deux principaux candidats du second tour, Claude Bartolone pour la gauche, et Valérie Pécresse pour la droite, afin qu'ils s'attellent à améliorer la vie quotidienne des Franciliens qui vivent loin de Paris.

Les candidats disent l'avoir bien compris. Ce lundi, Claude Bartolone a notamment repris la proposition de Pierre Laurent (Front de gauche) de créer 10.000 postes dans les transports, dont une bonne partie seront dédiés à la grande couronne. Quant à Valérie Pécresse, elle promet dans son programme, afin « de n'oublier aucun Francilien, que la carte des lignes Express de bus sera renforcée avec 5 nouvelles lignes et 1.000 bus supplémentaires déployés sur le réseau ». « Ces bus seront plus fréquents et emprunteront des voies dédiées pour desservir plus rapidement les gares de grande couronne », détaille-t-elle.

La risque du Grand Paris

De quoi peut-être limiter l'oubli des populations de l'extrémité de l'Île-de-France face à la montée en puissance de la métropole du Grand Paris, qui exclut de son périmètre la quasi totalité de la grande couronne. La forme actuelle de la métropole ne plaît, du reste, guère aux deux principaux candidats à la présidence de la région.

Le problème, c'est que le Grand Paris accapare aussi la quasi totalité des nouvelles lignes de transports en commun. Or, le Sdrif (Schéma directeur de la région Île-de-France) a fixé comme objectif de construire 70.000 logements par an partout en Île-de-France, soit une hausse d'environ 50 % de l'offre annuelle, et dont la grande couronne prendra sa part.

Sans nouvelle ligne de transports -hors bus- et avec un nombre croissant d'habitants, le risque d'empirer le quotidien des habitants de la grande couronne existe donc. Voilà un défi important que le conseil régional francilien devra relever lors des prochaines années.