Le Grand Paris, terre d'inégalités

Par Mathias Thépot  |   |  999  mots
Au sein de la métropole du Grand Paris, de fortes inégalités existent notamment entre l'ouest et le nord.
Encore embryonnaire, la mise en place de la métropole du Grand Paris pourrait être un motif d'espoir pour les territoires les plus défavorisés de l'agglomération en quête de convergence avec les zones les plus riches.

La mise en place de la métropole du Grand Paris (MGP) ce premier janvier 2016 ne déchaine pas les passions. Et pour cause, les différents débats législatifs autour de sa création ont beaucoup déçu. Il était en effet espéré que la métropole-capitale se dote de compétences uniques et de moyens financiers consistants pour assurer son développement en même temps qu'une péréquation économique et sociale en son sein. Mais rien de tout cela ne devrait être effectif avant les années 2020.

Une nouvelle strate au millefeuille administratif ?

La métropole du Grand Paris est pour l'instant perçue comme une nouvelle strate s'ajoutant au millefeuille administratif francilien, déjà peu lisible jusqu'ici. Pour la gouverner, il sera en effet créé une assemblée dédiée composée de 209 élus. Elle regroupera aussi douze intercommunalités, sans suppression des départements. Et il a été garanti aux communes du Grand Paris qu'elles ne perdraient pas leurs principaux prérequis...

La pertinence de son périmètre est également questionnée. Il se limite aux départements de la petite couronne d'Île-de-France (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et regroupe 7 millions d'habitants sur un total de 12 millions dans la région. Il oublie par ailleurs le pôle universitaire de Saclay et l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

Promouvoir le développement économique durable et solidaire

L'agglomération capitale s'est tout de même définie une mission dans l'article 1 de la loi de 2010 relative à la création du Grand Paris : « faire du Grand Paris un projet urbain, social et économique d'intérêt national (...) qui promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d'emplois de la région capitale ». Ainsi, la réduction des disparités territoriales à l'intérieur de la métropole sera déjà l'un des grands défis du Grand Paris.

D'autant que celles-ci sont tout à fait singulières. En excluant Paris intramuros, les inégalités entre les 11 autres intercommunalités de la métropole sont en effet très fortes. Les taux de chômage divergent fortement entre les communes situées à l'ouest et au nord de la capitale. Les intercommunalités de La Défense, qui comprend notamment les communes de Neuilly-sur-Seine et de Levallois-Perret, et de Grand Paris Seine Ouest (Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, etc.) ont des taux de chômage inférieurs à la moyenne nationale, à respectivement 9,8 % et 8,7 %, selon l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur).

A quelques kilomètres de là, des intercommunalités situées en Seine-Saint-Denis comme Plaine Commune (Saint Denis, Aubervilliers, Villetaneuse, etc.), Territoires des aéroports (Sevran, Aulnay-sous-Bois, Le Bourget, etc.) et Est Ensemble (Montreuil, Bobigny, Pantin, etc.) présentent des taux de chômage de respectivement 22,1 %, 18,3 %, et 18,6 % ! toujours selon les chiffres de l'Apur.

Des départements très jeunes

Encore plus préoccupant, ces territoires les plus défavorisés sont également les plus jeunes de l'agglomération : la part des moins de 20 ans dans la population est ainsi de 29,8 % au sein de Plaine Commune et de 29,9 % à Territoire des aéroports. Pour la seule Plaine Commune, il y a même 3,2 fois plus de jeunes de moins de 20 ans que de personnes âgées de plus de 65 ans. A titre de comparaison, Grand Paris Seine Ouest (GPSO) ne possède qu'1,6 fois plus de moins de 20 ans que de plus de 65 ans.

Au nord et à l'est de Paris, la part de la population étrangère est aussi la plus importante : 29,5 % à Plaine Commune, 20,2 % à Territoire des aéroports, 21,2 % à Est Ensemble, contre moins de 10 % pour GPSO et 11 % pour La Défense ; la part des cadres est la plus basse (9,5 % pour Plaine Commune et 9,6 % pour Territoire des aéroports, contre 43,5 % pour GPSO et 40,8 % pour La Défense) ; la part des employés ouvriers est la plus forte (65,8 % pour Plaine Commune contre 26,8 % pour GPSO ), et la part de locataires HLM est la plus grande (40,2 % pour Plaine Commune contre 16,9 % pour GPSO).

Faire de la convergence entre intercommunalités

Ce n'est pas nouveau, la Seine-Saint-Denis concentre toutes les caractéristiques d'une situation tendue que la métropole va devoir prendre en compte. Certes, une éventuelle convergence économique au sein du Grand Paris, sans expulser les habitants les plus pauvres, sera longue et difficile à obtenir car les réputations des différents territoires de la première couronne, riches et pauvres, sont profondément ancrées dans les mentalités.

Mais en attendant la montée en puissance de la métropole dans les années 2020, certaines intercommunalités essaient d'aller à contre-courant de cette tendance. C'est le cas de Plaine Commune qui accueille déjà à la Plaine Saint-Denis de nombreux bureaux d'entreprises, même si leur impact sur l'emploi des populations locales ne s'est pour l'instant par encore significativement fait ressentir.

Les projets de Plaine Commune

Plaine Commune est très active sur le terrain de l'aménagement, sa principale compétence. Son taux de construction de logements -le rapport entre le nombre de logements commencés entre 2004 et 2013 et le nombre total de logements en 2012 - est de loin le plus important de la métropole (14,5 %), selon l'Apur.

Présidée par Patrick Braouezec, ancien maire communiste de Saint-Denis, l'intercommunalité pilote 14 opérations d'aménagements rassemblant au total 2,5 millions de m² de programmes immobiliers et 755.000 m² de nouveaux espaces publics, le tout représentant un milliard d'euros d'investissement. Par le biais d'opérations d'intérêt national (OIN) et de contrats de développement territoriaux (CDT), l'intercommunalité est aussi soutenue par l'État. Et elle devrait en outre accueillir le village olympique en 2024 si Paris est désignée ville organisatrice.

Comme Plaine Commune, les intercommunalités regroupant les communes les plus pauvres de la première couronne tentent de gagner en attractivité pour faire baisser le chômage. Mais la tâche est ardue. Pourront-elles compter sur un métropole forte ? On ne le sait pas encore. Mais il ne faudra peut-être pas avoir d'attentes démesurées quant à son rôle futur.