Les Hauts-de-Seine et les Yvelines tournent le dos au Grand Paris

Par Mathias Thépot  |   |  854  mots
Patrick Devedjian, président du conseil départemental des Hauts-de-Seine.
En votant le principe d'une fusion future, les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines souhaitent faire contrepoids à la métropole du Grand Paris, telle qu'elle est constituée aujourd'hui.

Et si les départements des Hauts-de-Seine (92) et des Yvelines (78) fusionnaient ? Un processus allant dans ce sens a été engagé ce vendredi par les deux présidents des conseils départementaux, Patrick Devedjian pour le 92, et Pierre Bédier pour le 78, tous deux membres des "Républicains" (ex-UMP). Leurs assemblées respectives ont voté la création d'un établissement public de coopération interdépartementale Yvelines/Hauts-de-Seine, ainsi que la fusion de leurs sociétés d'économie mixte (SEM), afin de « disposer d'un outil commun au service de leur territoire et de fusionner les moyens mis au service des aménageurs », expliquent les deux conseils départementaux dans un communiqué commun.

Un premier pas vers la fusion

Ces deux mesures sont un premier pas vers la fusion des deux départements qui pourrait intervenir dans les prochaines années. « Nous venons de franchir une étape importante et symbolique », se réjouissait Pierre Bédier lors d'une conférence de presse. « Nous souhaitons montrer l'utilité d'une telle fusion afin qu'au bout du processus, l'évidence de la fusion étant faite, elle soit actée », explique pour sa part Patrick Devedjian. « Peut-être est-ce le départ d'un processus qui nous amènera à créer des économies, faire du développement, et générer de nouvelles recettes fiscales pour nos deux départements », ajoute Pierre Bédier, qui a toutefois dû faire face aux inquiétudes des élus ruraux de l'est des Yvelines, qui ne partagent pas les intérêts du très riche département des Hauts-de-Seine.

Développement économique

En fait, « l'idée centrale de ce projet est de faire du développement économique », assure Pierre Bédier. Plus concrètement, une fusion pourrait jouer un rôle d'accélérateur pour les projets communs aux deux départements et « développer l'emploi sur des bassins qui dépassent les frontières départementales ». Par exemple la finalisation du projet Eole, le prolongement du RER E vers l'ouest des Yvelines, pourrait être facilitée.

D'autres projets d'intérêt communs comme le prolongement de la ligne de tramway T6, qui reliera cette année Chatillon-Montrouge à Viroflay, ou de la future ligne 18 du métro qui doit connecter à terme Orly à Nanterre en passant par Saint-Quentin-en-Yvelines, seraient concernés ; les deux départements intervenant au service des communes et en aide à la région. Bref, pour un développement économique accéléré, « la mobilité est la clé », explique le président du conseil départemental des Yvelines, dont les habitants vont en premier lieu travailler dans les Hauts-de-Seine.

Manœuvre politique face au Grand Paris

Mais la manœuvre des élus de l'ouest de l'Île-de-France est aussi politique. Ils comptent faire contrepoids à la montée en puissance du Grand Paris, que plusieurs élus assimilent dans sa forme actuelle à un retour de l'Etat aménageur, notamment par le biais de la société publique d'urbanisme « Grand Paris Aménagement (GPA) », qui ne prendrait pas assez en compte les velléités des élus. Certes, dans les Yvelines « on ne refuse pas l'aménagement », explique Pierre Bédier, « mais on se souvient très bien des dégâts causés par l'Etat aménageur dans les années 70 aux Mureaux ou à Mantes-la-Jolie », ajoute-t-il.

Du reste, « nous voulons faire de cette fusion un moteur de développement économique de la métropole du Grand Paris, à laquelle nous croyons mais pas dans sa forme actuelle », regrette Pierre Bédier. Pour sa part, Patrick Devedjian souhaite que la SEM des deux départements développe à l'avenir une vision conceptuelle de l'aménagement, qui aille à contre-courant de « la pensée technocratique de l'Etat » qui vise à densifier au maximum. « Conceptuellement, il est urgent de proposer une autre politique », a-t-il dit. La fusion des SEM permettrait en outre à ce territoire de se doter d'un outil d'envergure qui fera concurrence à GPA.

Le risque d'intégration des Hauts-de-Seine à la métropole

Par ailleurs, la montée en puissance de la métropole du Grand Paris d'ici à 2020 risque de poser problème aux Hauts-de-Seine, qui pourrait être amené à fusionner avec la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, les deux autres départements qui constituent la métropole du Grand Paris, en plus de la capitale. On discerne bien les réticences du riche département de l'ouest de l'agglomération à partager la part du gâteau avec des départements plus modestes, et qui préfère donc se tourner vers les Yvelines.

Cette situation a inspiré l'élu Front de gauche des Hauts-de-Seine Gabriel Massou lors du débat en séance qui s'est tenu ce vendredi à Nanterre. « Nous savons tous que votre choix de fusionner à terme avec les Yvelines s'est construit sur la menace de fusion des départements au sein de la nouvelle métropole ». Avant de regretter que le projet de fusion soit là « pour tourner le dos à Paris, au Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis ». Or, pour l'élu Front de gauche ce projet de fusion « comporte une vision illusoire : Penser qu'il y aura des territoires en Île-de-France où il fera bon vivre quand tout autour les difficultés s'aggravent ».