Portrait-robot des travailleurs « essentiels » de la crise Covid-19 en Île-de-France

Par latribune.fr  |   |  846  mots
En terme de rémunération, le salaire brut médian des « premières lignes » (23.500 euros) est inférieur de 22% à celui de l'ensemble des salariés. (Crédits : Reuters)
Ils sont près de 2 millions d'employés à avoir répondu, à distance ou sur leur lieu de travail, aux besoins de la population francilienne confinée. L'étude, réalisée par plusieurs organismes publics, décrit les métiers précaires de la crise Covid, particulièrement sollicités lors du premier confinement en 2020. Une plongée évocatrice dans la première région économique et la plus peuplée de France.

Infirmiers, enseignants, livreurs, caissiers, aides à domicile... Jusqu'ici moins visibles, les travailleurs de la crise Covid-19 ont été mis sous le feu des projecteurs depuis l'annonce du premier confinement en France, en mars 2020. D'abord répartis entre les travailleurs dits de la "première ligne" (hôpital), puis ceux de la "2ème ligne" (tous ceux sollicités pendant les confinements), ces fonctions ont finalement été réunies dans une étude menée par Paris Région, l'Observatoire régional de santé et l'Atelier parisien d'urbanisme (apur) pour décrire ces employés « essentiels ». Publiée un an plus tard, le 1er juillet, elle porte sur ces forces en Île-de-France, région la plus productive de France avec 31% de la richesse nationale créée, mais aussi la plus peuplée, avec 12,2 millions de personnes en 2018, selon l'Insee. Suite à sa mise à l'arrêt totale entre mi-mars et mi-mai 2020, et tandis que le télétravail se généralise, ces travailleurs ont, eux, continué leur activité sur leur lieu de travail pour répondre aux besoins vitaux.

Au travers de cette région, la plongée dans les métiers précaires de la crise Covid-19 est d'autant plus révélatrice. En 2018, elle est la région où le taux de pauvreté est légèrement plus élevé que la moyenne nationale, à 15,6%. De même, les disparités y sont plus fortes qu'ailleurs, avec un PIB par habitant de près de 60.000 euros en 2018, soit près du double de celui de la France métropolitaine - hors Ile-de-France. La productivité apparente du travail, ou PIB par emploi, est aussi la plus élevée, souligne l'Insee.

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Premier enseignement, leur part est importante dans le paysage salarié. Ils sont au total 1,9 million d'actifs dits « essentiels au quotidien », à travailler en Île-de-France, soit 34% des actifs franciliens. Selon l'étude, ils sont même 1,8 million à y résider, et 109.000 vivent en dehors de la région qui s'étend sur huit départements. Dans les Hauts-de-Seine et à Paris par exemple, la part des non résidents s'élève respectivement à 53% et 60%. Aussi, seuls 35% des travailleurs habitent à moins de 10 kilomètres du centre de Paris, contre 42% pour les autres actifs. « Aux franges de la région, une part importante d'emplois « essentiels du quotidien » sont occupés par des travailleurs venus de départements limitrophes, comme dans la communauté de communes du Pays houdanais (42 %) ou dans la CC Vexin Val de Seine (36 %) », décrivent encore les auteurs.

Aussi, la région compte 157 emplois « essentiels du quotidien » pour 1.000 habitants, contre 166 en moyenne dans les autres régions françaises.

Un quart d'immigrés parmi les « essentiels »

Parmi les principaux enseignements, un quart de ces travailleurs « essentiels » franciliens sont immigrés. Cette proportion est proche de celle de l'ensemble des actifs (23 %) français. Mais sur les emplois de la première ligne, ils pèse même 30%. Leur part chute à 19% dans les services publics de la région (métiers de l'éducation (enseignants des premier et second degrés, surveillants et aides-éducateurs scolaires...), professionnels du social de proximité (assistants de service social, puéricultrices, éducateurs, animateurs...). Dans le milieu hospitalier, ils sont 23%.

Leur représentation est aussi relativement faible dans les métiers de l'éducation (leur part n'est que de 11% et celle des forces de l'ordre de 5%), tandis qu'elle est beaucoup plus importante parmi les agents de propreté ou les aides à domicile.

En termes de rémunération, le salaire brut médian des « premières lignes » (23.500 euros) est inférieur de 22% à celui de l'ensemble des salariés. Celui des travailleurs « essentiels » est plus faible de 10% que celui de l'ensemble des salariés (27.100 euros bruts par an, contre 30 200 euros.

Aussi, le statut ouvrier est davantage représenté. Les employés représentent 30% d'entre eux et les ouvriers 16%. Les cadres et professions libérales ne représentent que 21% des travailleurs « essentiels » (élargi à d'autres professions, avec les relais) et seulement 11% des « premières lignes » (qui ont continué leur activité sur leur lieu de travail).

Les durée annuelles de travail sont plus courtes, car plus souvent à temps partiel ou en CDD. Enfin, ils sont plus nombreux à occuper un logement social : 25% contre 20% des actifs.

Un travailleur francilien sur onze dans le secteur des soins

Les « relais des premières lignes » se distinguent par une proportion plus élevée d'hommes (62%). En 2017, 34.000 livreurs travaillent ainsi en Île-de-France, et sont, à 96%, des hommes.

La proportion des femmes dans le secteur hospitalier est, quant à elle, supérieure à 75 %. Toutes professions confondues dans les soins, leur part monte même à 82%.

D'ailleurs, sur le seul front de la santé, les bataillons franciliens face au Covid-19 se répartissent parmi un total de 176.000 travailleurs (hors médecins), dont 76.000 infirmiers, 57.000 aides-soignants, 37.000 agents de services hospitaliers et 5 000 ambulanciers.

Si près d'un travailleur sur onze travaille dans ce secteur en Ile-de-France, la pandémie a montré la rapide saturation des services. Sur le front social, au niveau national, le syndicat Force ouvrière demandait d'ailleurs la création de 15.000 postes supplémentaires.