Pourquoi le Grand Paris ne doit pas se focaliser sur le Grand Londres

Par Mathias Thépot  |   |  1068  mots
Avec la bulle immobilière, le Grand Londres perd en attractivité. (Crédits : CC0 Public Domain)
Les investisseurs attendent de l'agglomération parisienne qu'elle soit aussi attractive que la capitale britannique. Mais est-ce possible ? Car les caractéristiques des deux métropoles sont bien différentes.

En Europe, la compétition pour attirer les investisseurs internationaux et les sièges de multinationales se joue principalement entre les capitales françaises et britanniques, même si « le Grand Londres continue de faire nettement la course en tête en Europe », reconnaît Mickaël le Priol, un économiste du Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des Services (Crocis), affilié à la CCI Île-de-France. Ainsi, beaucoup d'investisseurs convaincus par le Grand Londres aimeraient voir le Grand Paris prendre exemple sur l'agglomération britannique pour monter en puissance. Mais la principale agglomération française ne peut pas reprendre toute les ficelles du développement du Grand Londres.

Les avantages de Londres

D'abord parce que l'agglomération britannique bénéficie de caractéristiques qui lui sont propres : sa proximité historique avec les Etats-Unis, sa langue qui permet d'intégrer plus facilement les internationaux, et évidemment son secteur financier qui représente près de 10 % de l'emploi dans l'agglomération. L'économiste du Crocis estime également que « pour capter les investissements directes étrangers, le Grand Londres a profité de ne pas faire partie de la zone euro à partir de 2010 », moment du déclenchement de la crise des dettes sur le vieux continent.

Au-delà d'être une place financière de premier plan, Londres attire désormais les entreprises du numérique et des nouvelles technologies, qui représentent « plus de 40 % des investissements étrangers à Londres en 2014 », indique Mickaël le Priol. Ainsi, « le projet de Google d'installer son siège européen à King's Cross est un exemple parmi tant d'autres de cette montée en puissance du numérique à Londres », ajoute-t-il. Preuve aussi que la Silicon Valley britannique, « East London TechCity » a encore une longueur d'avance sur Paris-Saclay, la Silicon Valley à la française.

Des freins réels pour Paris ?

Du côté francilien, le coût du travail, l'instabilité règlementaire, la fiscalité et le droit du travail en France sont souvent avancés comme des freins au développement de la métropole. Ils seraient responsable de la légère hausse du chômage en Île-de-France depuis 2012 à 9,1 % en 2015, alors que la flexibilité du marché travail au Royaume-Uni aurait permis au Grand Londres d'enregistrer un fort recul de son taux de chômage qui s'est réduit de 3,9 points à 6,4 %. Mais cette analyse reste trop simpliste.

Ainsi la productivité le Royaume-Uni est au plus bas. Outre-manche, le choix a été fait de créer de nombreux jobs peu productifs à temps partiel -une sorte de partage du travail qui ne dit pas son nom- et qui se lit directement dans les statistiques de la productivité. La Grande-Bretagne est seul grand pays au monde où la productivité du travail a baissé depuis le début de la crise de 2008. A l'inverse, en Île-de-France « la productivité reste plus importante », constate Mickaël Le Priol. Et la précarisation est moindre.

Quels sont les conséquences en termes de croissance ? Certes, après avoir fortement chuté la croissance dans le Grand Londres se porte mieux depuis 2011 que celle de la région Île-de-France. Mais c'est aussi et surtout grâce à la formation de la bulle immobilière, soutenue par des mesures incitatives des pouvoirs publics britanniques qui dopent le cycle immobilier. Depuis mi-2009, les prix de l'immobilier ont bondi de plus de 76 % dans le Grand Londres ! De quoi gagner des points de croissance. Mais une telle politique, si elle est vertueuse dans les chiffres, comporte deux effets secondaires pervers, en plus du risque majeur d'éclatement de la bulle : d'une part elle accentue la crise du logement dans le Grand Londres. Et d'autres part, elle réduit sensiblement les rendements immobiliers pour les investisseurs étrangers.

L'Île-de-France a ses propres atouts

L'Île-de-France n'a donc pas forcément intérêt à copier le Grand Londres. Ce serait du reste impossible, car comme nous l'expliquait le président de la métropole du Grand Paris Patrick Ollier (LR) : « la structure du territoire, la population, les règles d'aménagement ou les procédures d'urbanisme n'ont strictement rien à voir entre Paris et Londres (...) », et d'ajouter que « si les investisseurs veulent un Grand Londres, qu'ils aillent à Londres ! (...) La métropole du Grand Paris veut de son côté initier sa propre dynamique et enclencher un cercle vertueux ».

Il n'est donc pas nécessaire d'attendre d'hypothétiques réformes du marché du travail - qui plus est aux effets incertains - pour que la métropole se développe. Une étude publiée en 2015 de Paris Île-de-France Capitale économique et KPMG indiquait d'ailleurs que Paris se classe à la troisième place des métropoles mondiales pour l'implantation d'investissements internationaux, soit quatre places de mieux qu'un an plus tôt, certes toujours derrière Londres. Ce qui veut dire que l'agglomération francilienne s'appuient déjà sur de multiples atouts.

Par exemple, grâce à sa beauté architecturale, elle reste de loin la première place touristique européenne. Le nombre de nuitées dans les hôtels en 2013 s'élevait à 67,5 millions, contre 53,7 millions pour le Grand Londres. En outre, l'émergence du projet du Grand Paris pourrait faire prendre à la région une nouvelle dimension. « Dans son ampleur, ce projet structurant est considéré comme le principal moteur de croissance de la région et du pays. Il contribuera à corriger les handicaps de l'Île-de-France liés à la saturation des transports et à l'insuffisance de logements », explique Mickaël Le Priol. Par ailleurs, l'économiste ne manque pas de rappeler que le Grand Paris devra aussi faire attention à « parer aux fortes inégalités territoriales sans tomber dans la gentrification comme cela est le cas dans certains quartiers de Londres ». Un aspect fondamental du développement de la métropole.

L'heure de Paris ?

Et même pour séduire les investisseurs internationaux, notamment de Chine ou du Moyen-orient, l'optimise est de mise. « Paris présente désormais de meilleures rendements sur les actifs réels, notamment dans l'immobilier de bureaux, que le Grand Londres à cause de la forte augmentation des prix de l'immobilier outre-manche », note un expert français des investissements internationaux. D'ailleurs « depuis mi-2015, les investisseurs de ces pays en fort développement reviennent en Europe continentale,  et en premier lieu à Paris par souci de diversification mais aussi de rentabilité.», ajoute ce même expert. Ainsi à son sens, « c'est le moment pour Paris de récupérer un rôle central à l'échelle continentale ».