La smartwatch, simple gadget ou vraie rupture ?

Par Delphine Cuny  |   |  674  mots
Entre la Galaxy Gear de Samsung, la SmartWatch de Sony et la Toq de Qualcomm, en attendant l’iWatch d’Apple et peut-être un produit signé Google, les montres intelligentes affluent sur le marché. Elles demeurent des accessoires perfectibles qui ne devraient séduire à court terme qu’une poignée de technophiles.

Qui n'a pas sa montre connectée ? Tout le monde s'y met, même les fabricants de puces, comme l'américain Qualcomm avec la Toq. Le leader mondial des smartphones Samsung peut se vanter d'avoir été (presque) le premier avec sa Galaxy Gear, dévoilée mercredi soir, grillant sur le poteau Apple dont on ignore encore la date de sortie de l'iWatch (le nom a bien été déposé ainsi que plusieurs demandes de brevets).

Le japonais Sony avait une nette longueur d'avance : il avait présenté sa SmartWatch, compatible avec les smartphones sous Android, au CES de Las Vegas en janvier 2012. De nombreuses start-ups ont aussi développé leur modèle de montres à la James Bond, de Pebble à I'm Watch en passant par TrueSmart d'Omate qui va être présentée au salon IFA de Berlin. Même si les premières tentatives de montres-téléphones remontent à la fin des années 1990, le marché en est à ses balbutiements. Le cabinet spécialisé IHS estime qu'il devrait se vendre cette année dans le monde 268.000 montres connectées… Pour le moins confidentiel ! A titre de comparaison, plus de 225 millions de smartphones ont été écoulés au cours du seul deuxième trimestre.

La Galaxy Gear « un prototype présenté comme un produit commercial »

Aux yeux de Ian Fogg, spécialiste de la mobilité chez IHS, « au vu des caractéristiques techniques, la Galaxy Gear de Samsung apparaît comme un prototype que l'on fait passer pour un produit commercial et à cause de cela, ne sera pas un succès sur le marché. » Samsung aurait-il lancé sa montre, au design qui fleure bon les montres à quartz des années 1980, trop tôt ? L'expert d'IHS lui reproche son prix élevé (299 dollars) pour un appareil « compagnon », un accessoire ne pouvant fonctionner sans smartphone, son autonomie de 25 heures qui oblige à la recharger chaque jour et surtout sa compatibilité très limitée, uniquement avec le nouveau Galaxy Note 3 et la tablette Note 10.1.

Vendue autour de 300 dollars uniquement aux Etats-Unis, la Toq de Qualcomm, qui sera compatible avec les appareils sous Android, ne sera produite qu'à quelques dizaines de milliers d'exemplaires, le but étant surtout de mettre en avant sa technologie d'écran Mirasol, qui utilise un système de réflexion de la lumière: elle se présente elle aussi comme le « second écran du smartphone. » Une erreur selon Shane Walker, autre expert d'IHS, du fait de la concurrence de nombreux autres appareils de suivi des performances (on pense aux bracelets Up de Jawbone ou Nike+ FuelBand, à la balance Withings, etc) : « pour atteindre son potentiel de marché, la montre intelligente doit fonctionner toute seule et comprendre des fonctionnalités adaptées à sa forme de bracelet », affirme-t-il.

Des « inventions de science fiction déjà anachroniques » ?

La smartwatch est-elle condamnée à rester un gadget pour technophiles avides de nouveautés, les fameux « early-adopters » qui essuient les plâtres ? « Samsung suit une stratégie produit du spaghetti sur le mur : lancer une smartwatch et voir si ça colle », ironise Sarah Rotman Epp, du cabinet Forrester Research. Finalement comme avec la Galaxy Note, sa « phablette », à mi-chemin de la tablette et du smartphone, qui a su répondre à une demande insatisfaite de plus grand écran.

A l'image des tablettes, qui n'avaient pas rencontré leur public jusqu'à la sortie de l'iPad, les montres intelligentes ne décolleront sans doute qu'au lancement de versions plus abouties sur les plans matériel et logiciel, enrichies d'applications vraiment innovantes. Le cabinet IHS prédit ainsi que les ventes devraient être multipliées par quinze en quatre ans, passant de 2,6 millions en 2014 à 39 millions d'exemplaires en 2018. Juniper Research table aussi sur 36 millions de montres connectées dans cinq ans. Cependant, l'experte de Forrester considère que « les smartwatches sont des inventions de science fiction et sont déjà des anachronismes dans le monde moderne. » Elle imagine un monde peuplé de capteurs glissés dans les lunettes, lentilles de contacts, tatouages, chaussures, vêtements, miroirs, matelas, brosses à dents, etc. De quoi être définitivement connecté 24 heures sur 24.