Bronca des professionnels du Net contre un « Patriot Act » à la française

Par Delphine Cuny  |   |  465  mots
L'article 13 de la loi de programmation militaire sur le « cadre juridique de l'accès administratif aux données de connexion et de la géolocalisation en temps réel » inquiète tous les professionnels du numérique.
Les acteurs du numérique s’inquiètent de l’article 3 de la loi de programmation militaire qui prévoit de donner un accès renforcé aux données de connexion des internautes aux services de police et de renseignements. Une mesure qui rappelle la loi américaine.

L'inquiétude grandit chez les professionnels français du numérique. Plusieurs fédérations ont exprimé publiquement leur désapprobation à l'égard du projet de loi de programmation militaire (LPM), qui sera débattu mardi en deuxième lecture au Sénat. L'Association des services internet communautaires (ASIC), l'IAB France, qui regroupe les acteurs de la publicité en ligne, et le think tank Renaissance numérique sont montés au créneau ces derniers jours, contre l'article 13 du texte, adopté mardi en première lecture par les députés. L'article porte sur le « cadre juridique de l'accès administratif aux données de connexion et de la géolocalisation en temps réel. » Le Conseil national du numérique (CNNum), une commission consultative indépendante rattachée au ministère de l'Economie numérique, s'est même auto-saisi du sujet, considérant dans un avis qu'il n'était « pas opportun d'introduire sans large débat public préalable, une modification du dispositif créé par la loi de 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, alors qu'elle étend les modalités d'accès aux données, leur nature et leurs finalités. » 

Atteinte à la vie privée et à la liberté d'entreprendre

« Cet article porte à la fois atteinte à la protection de la vie privée et à la liberté du commerce et d'entreprendre, mais également à la compétitivité des entreprises du digital en permettant à l'autorité publique d'accéder aux données de connexion et de géolocalisation de tout internaute en temps réel » fait valoir l'IAB France dans un communiqué. Les services de renseignement « souhaitent dorénavant constituer un cadre juridique afin de pouvoir se greffer directement dans le coeur de tous les serveurs des acteurs de l'internet » s'inquiète de son côté l'ASIC, qui rappelle que « l'actualité récente a montré que de nombreux services de renseignement s'interconnectent sur les réseaux de télécommunications, notamment les câbles sous-marins. » L'association fait évidemment référence au scandale Prism, qui a éclaté après les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage à grande échelle de la NSA, l'agence de renseignements américaine, et de ses nombreuses répliques.

Risque de « surveillance généralisée » des internautes

« La collecte directe d'information se fera non seulement auprès des fournisseurs d'accès (FAI et opérateurs de télécommunication) mais aussi auprès de tous les hébergeurs et fournisseurs de services en ligne » souligne l'association de défense des libertés la Quadrature du Net, dont le cofondateur estime que « ce projet de loi instaure un régime de surveillance généralisée. » Le CNNum recommande de lancer une large concertation afin de nourrir « une future loi sur les libertés numériques », qui pourrait être discutée l'année prochaine.