Quand la Commission européenne investit dans la fibre optique en France

Par Delphine Cuny  |   |  752  mots
(Crédits : DR)
La première « obligation de projet » française, soutenue par la Banque européenne d’investissement, va permettre à la société Axione, qui déploie des réseaux publics de haut et très haut débit du Limousin à la Nièvre. Une première dont se sont félicités tant Arnaud Montebourg que Neelie Kroes.

« L'Union européenne nous aide, voilà un élément positif » a lancé avec une pointe d'ironie Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, du Redressement productif et de l'Economie numérique, en participant mercredi à la signature de la première « obligation de projet » française, soutenue par la Banque européenne d'investissement (BEI), émise par la société Axione Infrastructures qui déploie des réseaux publics de haut et très haut débit dans des régions peu peuplées (lire « Le premier « project bond » français financera du très haut débit dans les campagnes »).

La BEI apporte en effet une garantie au nom de la Commission européenne à hauteur de 20% de l'émission obligataire de 189 millions d'euros, ce qui permettra à Axione de refinancer à un taux plus avantageux la dette des réseaux d'initiative publique qu'elle exploite (Finistère, Limousin, Hautes-Pyrénées, Charente-Maritime, Loire, Nièvre, etc), pour investir dans les réseaux de demain, la fibre optique. C'est aussi le premier « project bond » européen portant sur des infrastructures numériques (lire le communiqué de la BEI). 

« Il s'agit d'une première », a salué Neelie Kroes, la Commissaire européenne à la Stratégie numérique, qui avait fait le déplacement de Bruxelles. « Les jeunes entrepreneurs, les startups ont besoin du très haut débit pour introduire leurs innovations. Et l'on voit que des financements innovants peuvent apporter le très haut débit à plus de gens et plus d'entreprises. Tout citoyen européen devrait être connecté. À tous ceux qui souhaitent investir, je dis, inspirez-vous de ce qui se passe en France, tirez-en des enseignements et saisissez les occasions qu'offre le numérique ! »

 

Retard français dans le très haut débit

 Elle a cependant appelé la France à mettre les bouchées doubles, en rappelant que « 3 Français sur 5 n'a pas accès au très haut débit. » Une récente étude de l'Idate a placé la France au septième rang mondial en la matière. le président de l'Arcep, le gendarme des télécoms, a assuré que la moitié des foyers français devrait être éligible à au moins 30 mégabits par seconde d'ici à la fin de l'année.

Arnaud Montebourg a fait valoir que nous nous trouvons « en période de disette budgétaire » et que « la France cotise à la BEI. » Avec le ministre de Finances Michel Sapin, également présent, il a estimé que « la mobilisation des instruments européens doit être amplifiée, en France et ailleurs en Europe. » Il a d'ailleurs exprimé son souhait d'une réforme de la BEI, « des excès prudentiels de la BEI. » Mais il a salué l'action de la banque européenne dans ce « project bond », dont l'intervention, « en garantissant une partie du risque lié au projet, rend possible son financement dans de bonnes conditions. »

Concrètement, cet emprunt obligataire piloté par Natixis, qui aurait été largement sursouscrit par des investisseurs institutionnels privés et publics européens, a permis à Axione de bénéficier d'un meilleur taux qu'un simple crédit bancaire et d'une maturité plus longue (onze ans). 

« Nous allons pouvoir investir 150 millions d'euros dans la fibre optique pour desservir toutes les entreprises des zones où nous sommes présents et multiplier par quatre le nombre de nos prises FTTH (fibre jusqu'au domicile) : nous raccorderons ainsi 280.000 foyers dans 14 départements » confie Pierre-Eric Saint-André, le président d'Axione Infrastructures, société détenue à 15% par Bouygues, 30% par la Caisse des dépôts et 55% par le fonds d'investissement des Caisses d'Epargne dans les partenariats public-privé (FIDEPPP).

 D'autres « project bonds » français

 Un autre « project bond » français vient d'être approuvé hier par la BEI, a annoncé Philippe de Fontaine Vive, le vice-président de la Banque européenne d'investissement : celui de la concession de l'autoroute A45 qui reliera Lyon à St-Etienne. Fasciné par cet instrument innovant qui joue sur l'effet de levier et permet ainsi de « multiplier les petits pains », Arnaud Montebourg s'est dit encouragé à « imaginer une relance de l'investissement privé sous impulsion publique ou parapublique, une grande politique d'infrastructures », évoquant ses projets de barrages, de chaînes hôtelières, d'infrastructures portuaires. « Nous allons revenir vous voir ! Nous avons des projets qui dépassent plusieurs milliards d'euros, nous sommes candidats » a-t-il prévenu. Aux yeux de Michel Sapin, ce projet représente « l'hirondelle qui annonce un grand plan d'investissement, qui nous permettra au niveau européen et dans chaque pays de mettre en œuvre cette croissance durable dont nous avons besoin. »