Aides à la presse : la Cour des Comptes incite l'Etat à soutenir le numérique

Par Anaïs Cherif  |   |  630  mots
En 2017, le montant total des aides de l'Etat attribuées à la presse écrite s'élevait entre 580 millions d'euros et 1,8 milliard d'euros.
Alors que les aides à la presse écrite sont concentrées sur les titres papiers, la Cour des Comptes recommande une réforme tournée vers le numérique. L'institution propose également d'instaurer une politique de la demande pour attirer un lectorat plus jeune.

Comment soutenir la presse écrite à l'heure du numérique ? C'est la question soulevée par le rapport annuel de la Cour des comptes, publié ce mercredi. En 2017, le montant total des aides de l'Etat attribuées à la presse écrite s'élevait entre 580 millions d'euros et 1,8 milliard d'euros - une fourchette importante justifiée par une "définition large" des aides à la presse.

Bémol : le dispositif actuel reste principalement concentré sur les titres de la traditionnelle presse papier. En effet, 89,5 millions étaient réservés à la presse imprimée sur 100,2 millions d'euros d'aides directes en 2016, selon le Syndicat de la presse indépendante en ligne (Spiil).

"La nécessité d'assurer la neutralité de l'action publique entre les différents vecteurs de diffusion amène à estimer que les publications imprimées, dont le recul ne cesse de se poursuivre, ne soient plus les bénéficiaires quasi-exclusives des aides", avance la Cour des comptes.

Essor des médias "tout en ligne"

Cette répartition inégale pose d'autant plus problème que la consommation de médias se fait majoritairement sur leur version numérique. La "vision dans laquelle l'accès au site est un bonus gratuit permettant de fidéliser les lecteurs et de s'aligner sur les pratiques des concurrents, ne correspond plus au mode de lecture des journaux", souligne l'institution. D'après les chiffres de la Cour des Comptes, les audiences numériques représentaient 70 % de l'audience totale pour la presse quotidienne nationale, 69 % pour les news magazines et 51 % pour la presse quotidienne régionale en septembre 2016.

Les médias "tout en ligne", comme Mediapart, "ne cessent d'augmenter, au rythme de 50 par an". Malgré leur essor, la presse sur Internet a perçu seulement 650.000 euros en 2016 - soit 5,8% des aides à la numérisation du Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Stabiliser les nouveaux modèles économiques

La Cour des Comptes préconise une réforme de l'aide à la presse afin d'aider, entre autres, à stabiliser les nouveaux modèles économiques de la presse - "freemium" (combinaison d'articles gratuits et payants), "paywall" (limitation de la lecture à un certain nombre d'articles gratuits)... à l'heure où le marché publicitaire s'effondre.

L'institution demande "l'examen de la substitution des différentes aides à la diffusion, au portage et au postage par une aide à l'exemplaire portant aussi bien sur ceux vendus au numéro et par abonnement, en version imprimée comme numérique". Une recommandation applaudie par le Spiil, qui souhaite inscrire "la neutralité des supports comme principe des aides à la presse".

Attirer les jeunes lecteurs

La Cour des Comptes s'intéresse également aux lecteurs - et particulièrement, aux jeunes. Une piste de réflexion jugée importante à l'heure où le lectorat s'érode. Traditionnellement, les aides à la presse étaient tournées vers la demande - et non l'offre.

"Il y a lieu de se demander si le soutien public ne doit pas également viser à favoriser l'éducation des jeunes à la lecture de la presse payante", avance le rapport, alors que les "nouvelles générations tendent, pour une grande part, à ne s'informer qu'à travers la lecture de brèves alertes reprises en boucle sur les sites généralistes".

Parmi les pistes évoquées, la Cour des Comptes esquisse une aide à l'abonnement numérique pour les jeunes. "L''extrême modicité du coût marginal de la diffusion numérique permet d'envisager des approches infiniment moins onéreuses et nettement plus efficaces que les opérations antérieures d'aide à l'abonnement gratuit à des journaux imprimés". La dernière opération du genre remonte à 2011. Intitulée "Mon journal offert", cette campagne permettait de recevoir gratuitement un quotidien une fois par semaine pour les 18-24 ans. Décrite comme la plus "ambitieuse" par l'institution, cette opération a coûté 15,4 millions d'euros sur trois ans.