Mariage de géants : Broadcom va acquérir VMware pour la somme record de 61 milliards de dollars

Par latribune.fr  |   |  743  mots
(Crédits : MIKE BLAKE)
Sur le marché des semi-conducteurs en pleine tension dans le contexte international, l'heure est à la diversification vers d'autres sources de revenus. Objectif pour Broadcom : s'imposer avant ses concurrents sur des marchés stratégiques et en pleine croissance. Dans un courriel envoyé aux salariés, le CEO de VMware réfute l'hypothèse d'une opération purement financière. Explications.

La rumeur courait depuis quelques semaines. C'est désormais officiel, le géant des semi-conducteurs Broadcom a présenté une offre de rachat sur VMware, un autre mastodonte des nouvelles technologies, spécialisé dans les logiciels et services de cloud et les datacenters qui servent d'infrastructures informatiques aux banques, hôpitaux, ou encore aux compagnies aériennes. Le deal, qui valorise VMware à 61 milliards de dollars, serait l'une des plus importantes acquisitions de l'année dans le monde tech.

Surtout, ce rapprochement entre deux groupes américains témoigne des nouvelles tensions au niveau mondial qui poussent les multinationales à unir leurs forces pour devenir leader sur des marchés en pleine croissance.

Broadcom et VMware sont tous deux des ogres en matière de M&A, à l'image du rachat d'autres poids lourds, tels CA Technologies, Symantec pour le premier, et de même côté VMware, lui-même racheté par EMC puis par Dell. Le coup émane donc cette fois du PDG de Broadcom, Hock Tan, connu pour sa boulimie d'acquisitions, depuis que sa société singapourienne Avago a elle-même pris le contrôle de Broadcom, en 2015.

En 2017, Broadcom avait mis sur la table 130 milliards de dollars pour racheter son concurrent Qualcomm, mais ce rapprochement avait été bloqué par le gouvernement du président Donald Trump. Ce dernier avait estimé que l'opération porterait atteinte à la sécurité nationale, car le siège de Broadcom se trouvait à Singapour.

Cette fois, le projet de mariage a reçu le premier aval de l'entrepreneur Michael Dell, qui contrôle 40,2% du capital de VMware, ainsi que de la société d'investissement Silver Lake, qui en possède 10%, garantissant de fait le succès de l'opération.

Une opération purement financière ?

Parmi les analystes, certains y voient pourtant une opération purement capitalistique. Dans un courrier interne envoyé aux salariés de VMware dans le monde que La Tribune a consulté, le CEO Ragu Raghuram ne s'en cache pas : « Notre conseil d'administration a conclu que c'est un moyen plus efficace pour accroître la valeur détenue par nos actionnaires, particulièrement dans le climat économique actuel incertain ». Selon le CEO, l'opération qui pourrait prendre "6 à 12 mois" avant d'être finalisée "durant l'année fiscale 2023 de Broadcom", valorise VMware à 70 milliards de dollars.

A la tête du groupe, qui se définit comme un acteur du "multi-cloud", le CEO récuse toutefois les craintes : « Beaucoup d'entre vous ont une perception de Broadcom comme étant focalisée sur la maximisation des indicateurs financiers, plutôt que de maximiser l'innovation. Ce n'est pas correct car Broadcom a une histoire montrant qu'elle performe sur ces deux plans ».

Broadcom propose aux actionnaires de VMware de recevoir 142,50 dollars par action, ou 0,2520 action Broadcom par titre VMware. Une répartition sera effectuée, ce qui amènera l'acquéreur à financer la moitié de l'opération en numéraire et l'autre moitié en titres, selon un communiqué publié jeudi.

La diversification des poids lourds

Avec cette acquisition, le fabricant de semi-conducteurs ambitionne cette fois d'élargir ses activités. En intégrant VMware, il entend devenir un prestataire global pour les entreprises, avec la capacité de leur proposer à la fois ses semi-conducteurs et des infrastructures d'informatique à distance. Hock Tan, cité dans le communiqué, entend ainsi faire de la nouvelle entité combinée "un leader des infrastructures technologiques".

Le marché des semi-conducteurs a la particularité d'être cyclique et donc avec des trous d'air potentiels à amortir, d'autant plus dans un contexte de tensions internationales. Avec VMware, il se positionne ainsi sur l'informatique dématérialisée (cloud) et la virtualisation, que l'essor des échanges virtuels dans les univers Métavers pourrait bien accélérer.

Cette tendance à la diversification opère d'ailleurs chez les concurrents à l'image de Samsung qui a annoncé cette semaine un méga plan d'investissements de 356 milliards de dollars pour investir dans ses usines de puces électroniques mais aussi pour accélérer sur les biotechnologies.

En plus de la diversification vers d'autres secteurs stratégiques se joue aussi la concentration, amorcée depuis plusieurs années, à l'image des concurrents de Broadcom tels AMD et Nvidia. Avant que ce deal ne soit bouclé, il n'est d'ailleurs pas certain que les deux autres poids lourds américains, Intel et Cisco, ne viennent pas faire une contre-offre sur VMware.

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(Avec AFP)