« Erreur 53 » d’Apple : les réparateurs de smartphones sur le qui-vive

Par Pierre Manière  |   |  783  mots
Apple a bloqué certains iPhone 6 et 6+ dont la réparation du bouton "Home" a été effectuée des boutiques "non-agréées".
Outre l’énervement de milliers de clients qui ont vu leur iPhone bloqué pour l’avoir réparé ailleurs que dans un Apple Store, la marque à la pomme suscite l’inquiétude des réparateurs de mobiles comme WeFix et Point Service Mobiles.

La nouvelle a provoqué une levée de boucliers. Et pour cause : depuis peu, Apple a décidé de bloquer les smartphones de ses propres clients. En mettant à jour leur appareil avec la dernière version du système d'exploitation, iOS 9, certains propriétaires d'iPhone 6 ou 6+ ont été confrontés à un désagréable message : « Erreur 53. » Résultat ? Leur terminal s'est retrouvé immédiatement inutilisable. Le tort de ces clients : avoir réparé le bouton « Home » de leur très cher terminal (un iPhone 6 coûte a minima 639 euros) sans passer par une boutique « agréée » par la marque à la pomme.

Ce blocage est totalement délibéré : Apple l'a d'ailleurs justifié en brandissant des raisons de sécurité. Il faut dire que le bouton « Home » intègre désormais un capteur d'empreinte digitale. En y posant son pouce lorsque l'iPhone est allumé, celui-ci permet de déverrouiller l'appareil, mais aussi d'utiliser Apple Pay, le service de paiement mobile maison. Contrairement aux autres informations qui reposent sur la carte-mère du terminal, ce capteur stocke directement l'empreinte de son utilisateur. La marque à la pomme argue que si l'on peut changer ce dispositif facilement, on augmente sensiblement le risque de piratage. Reste que la mesure a provoqué l'ire de milliers utilisateurs. Sachant qu'il n'existe pas, à ce jour, de solution, précise le Guardian, qui a levé le voile sur l'affaire vendredi dernier.

« On connaissait le problème »

A la tête de la société de réparation d'appareils mobiles WeFix, Edouard Menantaud assure que le problème ne concerne qu'une infime partie de ses clients. « On doit avoir moins d'une dizaine de cas », précise-t-il. On était au fait de ce problème depuis la sortie de l'iPhone 5S, et on n'effectue plus cette réparation. » Toutefois, il craint que cette affaire « décrédibilise » son activité, en étant obligé de rejeter certains clients.

Son de cloche similaire chez Point Services Mobiles, qui dispose de 220 boutiques de réparation de mobiles dans l'Hexagone. « Cette pièce est si rarement cassée ou défectueuse que cela n'impacte pas notre activité », explique Arielle Allouche, responsable de la communication du groupe. En revanche, d'après elle, le risque est qu'Apple décide de bloquer ses appareils pour une autre raison, comme le remplacement d'un écran. Une possibilité qui n'est « pour l'instant pas imaginable », indique Charles Bocquillon, le DG de la société. Pour lui, elle serait difficilement justifiable étant donné que le remplacement d'un écran n'affecte pas la sécurité du terminal.

Des craintes liées à « l'obsolescence programmée »

Reste que cette « initiative » d'Apple apparaît pour beaucoup comme une nouvelle tentative d'enchaîner ses clients à son écosystème. Contrairement à Samsung, Nokia ou LG, la firme de Cupertino ne fournit pas d'agréments aux réparateurs de mobiles comme WeFix ou Point Services Mobiles. « Parmi les centres agréés, seuls quelques Apple Store sont en mesure d'effectuer des réparations. Mais pas toutes, constate Edouard Menantaud. Pour un problème lié au capteur d'empreinte digitale, Apple ne propose pour l'heure qu'un remplacement de l'appareil. » Et ce au prix fort, contre parfois plus 300 euros pour un iPhone 6...

« Ces prix élevés sont faits pour décourager le consommateur qui se dit : 'A ce prix-là, autant m'acheter un nouveau smartphone...', fusille le patron de WeFix. C'est leur stratégie. Il en va de même pour les mises à jour, qui ont tendance à ralentir l'appareil. C'est de l'obsolescence programmée. »

Un cycle de renouvellement qui s'allonge

La crainte des réparateurs de mobiles, c'est que ces pratiques se multiplient et ne fassent fuir leurs clients. Pour eux, l'enjeu est de taille : si leur activité va crescendo, c'est notamment parce que le cycle de vie des smartphones s'est allongé ces dernières années. Dans l'Hexagone, on ne change plus de mobile tous les ans : d'après Stéphanie Baghdassarian, analyste chez Gartner, les Français gardent aujourd'hui leur smartphone « entre deux et trois ans ». De même, les consommateurs jettent de moins en moins leur terminal usagé : d'après Deloitte, le marché des smartphones d'occasion devrait peser 17 milliards de dollars dans le monde cette année. Mieux, « 10% des smartphones haut de gamme achetés neufs en 2016 appartiendront à au moins trois utilisateurs différents », assure le cabinet de conseil.

Un contexte qui n'a évidemment pas échappé à Apple, également confronté au ralentissement du marché chinois. La marque à la pomme a d'ailleurs averti que ses ventes d'iPhone allaient pour la première fois se contracter au premier trimestre cette année. Apple pourrait donc être tenté de multiplier les manœuvres pour accélérer le renouvellement de ses produits... Mais au risque, toutefois, de froisser définitivement ses clients.