Apple, un "évadé fiscal" qui commence à exaspérer les Anglais

Par Tristan de Bourbon, à Londres  |   |  716  mots
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Comme Google, grâce à son siège social européen en Irlande, le groupe américain est faiblement imposé pour ses activités britanniques. Amazon a choisi le Luxembourg. La polémique enfle outre-Manche sur ces spécialistes de l'évasion fiscale.

Après Amazon et Google, c'est au tour d'Apple d'être pointé du doigt pour évasion fiscale au Royaume-Uni. Le géant californien de l'électronique est vertement critiqué pour 'avoir payé moins de 10 millions de livres d'impôts à l'issue de l'exercice clos en septembre 2010 pour un chiffre d'affaires officiel de près de 600 millions. Un montant d'autant plus dérisoire que les ventes réelles d'Apple sur le territoire britannique seraient de l'ordre de 10% de son chiffre d'affaires mondial, soit un peu plus de 6 milliards cette année-là, selon le Daily Mail. La firme de Cupertino gère ses activités européennes depuis la ville irlandaise de Cork, où le taux d'imposition sur les entreprises est limité à 12,5% contre 24% au Royaume-Uni, et même 28% il y a encore deux ans. Cela n'explique pourtant pas qu'Apple n'ait payé que 1,6% d'impôts sur les recettes officielles de ses deux principales succursales (Apple Retail UK et Apple UK), et encore moins 0,16% sur ses ventes estimées.

Une enquête du fisc britannique sur Amazon
L'administration britannique des impôts n'a pas encore annoncé le lancement d'une enquête à son encontre mais cela pourrait n'être qu'une question de temps. Le géant américain de l'e-commerce, Amazon, n'a en effet pas pu y échapper. L'an dernier, le groupe dirigé par Jeff Bezos a en effet réalisé des recettes de 3,3 milliards de livres au Royaume-Uni sans payer le moindre penny d'impôt ou presque. Selon ses déclarations à la SEC, le régulateur américain des marchés financiers, son chiffre d'affaires cumulé au cours des trois dernières années se situerait entre 7,6 milliards à 10,3 milliards de livres. Le groupe américain aurait dû payer au moins 60 millions de livres d'impôts selon les calculs du Guardian, en appliquant un taux de marge opérationnelle de 3,5% comme aux Etats-Unis.

Or, Amazon UK n'affiche que 3 millions de livres d'imposition nette, en cumulé, sur la période 2003-2011 ! Amazon n'est pas installée en Irlande mais depuis 2006 au Luxembourg. Ses activités britanniques, qui emploient 2.265 personnes, sont chargées de « l'exécution des commandes » et n'ont réalisé officiellement en 2010 qu'un chiffre d'affaires de 147 millions de livres contre 7,5 milliards d'euros pour les 134 employés de son siège luxembourgeois, dont un peu moins de la moitié provenant en réalité de ventes au Royaume-Uni, selon les déclarations à la SEC. L'objectif de cette implantation géographique était clair : « établir notre siège social au Luxembourg aura un effet favorable sur notre taux d'imposition effectif ». Autre avantage : la TVA sur les livres numériques y est limitée à 3% contre 20% au Royaume-Uni.

La faute au gouvernement, selon Google
Pourtan, cette évasion fiscale repose sur des bases légales. Le président exécutif de Google, Eric Schmidt, avait déclaré que la faute en incombait entièrement à la législation et au gouvernement britanniques. « Il est vrai que nous pourrions payer plus d'impôts mais nous devrions le faire de manière volontaire » avait-il observé l'été dernier au cours d'une interview télévisée. « De toute manière, je pense qu'il est interdit d'aller voir mes actionnaires en leur disant : « nous avons regardé les législations dans 200 pays et comme nous nous sentons désolés pour les Britanniques, nous voulons payer plus d'impôts qu'ils ne nous le demandent... »

Le géant de l'Internet, dont le siège européen est installé en Irlande, n'avait payé en 2009 que 0,6 million de livres d'impôts en dépit d'un chiffre d'affaires britannique de 1,25 milliard. Il avait même réduit ses impôts d'un quart en implantant l'une de ses succursales aux Bermudes. Alors numéro 2 du parti libéral démocrate, aujourd'hui secrétaire d'Etat aux Affaires et à l'Innovation, Vince Cable était alors monté au créneau. « La réalité est que plus les groupes comme Google évitent de payer des impôts, plus ces derniers retombent sur les épaules de la population. Il est clair que pendant que les travaillistes et les conservateurs clamaient que Google était le modèle de la société du 21e siècle, celle-ci s'éloignait en courant du précepteur d'impôts. » Malgré son arrivée au gouvernement il y a deux ans, les choses n'ont visiblement pas évolué en la matière.