Le côté obscur de l'impression 3D : terrorisme, contrefaçon à grande échelle...

Par Delphine Cuny  |   |  475  mots
Le Département d'Etat américain a obligé le site qui avait mis en ligne les plans du pistolet à imprimer en 3D à les retirer.
Le clonage des objets par impression 3D pose la question de leur fiabilité et de leur sécurité. Il laisse craindre un nouvel âge d'or du piratage et de la violation de copyright et fait planer la menace d'une prolifération incontrôlable des armes à feu.

Comme toute technologie de rupture, l'impression 3D fait craindre des dérives, voire des catastrophes, si elle est détournée par des personnes mal intentionnées.

On en a eu l'illustration avec la fabrication d'une arme à feu : les États seront-ils encore en mesure demain de contrôler la circulation des armes si télécharger un fichier et imprimer chez soi matériels et munitions est à la portée de tous, du citoyen souffrant de troubles psychiatriques aux organisations terroristes et aux dictatures ? Le département d'État américain a obligé le site Defense Distributed d'un étudiant texan qui avait mis en ligne les plans 3D du pistolet à les retirer. Un sénateur de Californie a même proposé que son État régule la détention d'imprimantes 3D pour empêcher la fabrication d'armes à domicile non répertoriées.

Plus généralement, ce copier-coller, ce clonage des objets, rendu possible par la mise à disposition de fichiers en ligne ou par l'utilisation d'un scanner 3D, pose des questions de sécurité et de fiabilité des objets (le matériau est-il assez solide, résistant, ininflammable ?) d'une part, et de copyright naturellement d'autre part.

D'immenses problèmes juridiques en vue

Si une compagnie aérienne a une panne ou un accident avec un avion dont elle aurait imprimé des pièces détachées, la garantie du constructeur risque de ne plus fonctionner. Même chose pour un particulier et son véhicule. Mais saura-t-on détecter la pièce imprimée en 3D, après trois mois d'usure ? « On peut tracer toutes les pièces », assure-t-on chez Airbus.

Ces questions de fiabilité, de garantie et d'assurance rejoignent celles de la contrefaçon en général. « L'impression 3D va soulever d'immenses problèmes juridiques et devrait produire un nouvel âge de la contrefaçon et du piratage », prédit Duncan Stewart du cabinet Deloitte.

Aux yeux de Pete Basiliere, de Gartner, « s'il est vrai que l'arrivée d'imprimantes low cost rend le reverse engineering (ou rétroconception) plus pratique et plus rapide, la contrefaçon industrielle existe déjà, que ce soit avec un moule ou une imprimante 3D. »

La vraie menace pour les marques risque de venir en premier lieu des consommateurs, puisque chaque individu pourra reproduire n'importe quel objet chez lui ou dans un 3D-café libre-service.

« La difficulté, pour les détenteurs de propriété intellectuelle, sera de parvenir à identifier les individus ayant enfreint leurs droits d'auteur. Ils devront sans doute se focaliser sur les sites de partage de plans de modélisation ou de ventes d'objets imprimés en 3D en utilisant le Digital Millennium Copyright Act [la loi contre le piratage de 1998] », estime l'avocat Paven Malhotra, du cabinet Keker & Van Nest.

Mais la législation, conçue à l'ère du CD, devra sans doute être adaptée.