L'installation de Huawei à Sophia-Antipolis est-elle un bon signe ?

Par Laurence Bottero, à Nice  |   |  747  mots
L'agence de développement économique Team Côte d'Azur, qui a fortement œuvré pour faire venir le Chinois en terre azuréenne et lui faciliter l'installation.
L'arrivée du géant chinois des TIC a remis un coup de projecteur sur la première technopole européenne. En quoi cette implantation est-elle stratégique ? L'écosystème local va-t-il vraiment en profiter ?

C'est en grande pompe et très solennellement - en présence de Karl Song, le directeur général France - qu'était coupé le ruban inaugural du tout nouveau centre de R&D de Huawei le 12 septembre dernier à Sophia-Antipolis, centre déjà opérationnel depuis un an. Un événement pour la technopole qui continue à être perçue comme la première d'Europe mais que d'autres voix n'hésitent pas à dire en quête d'un nouveau souffle. Une bonne nouvelle donc d'autant que Huawei fait partie de ces entreprises ayant repris certains des 517 salariés de Texas Instruments, licenciés l'an dernier avant fermeture du site. L'agence de développement économique Team Côte d'Azur, qui a fortement œuvré pour faire venir le Chinois en terre azuréenne et lui faciliter l'installation, ne dissimulait pas sa satisfaction d'avoir emporté la mise face à d'autres parcs technologiques.

L' "image positive" de Huawei

Satisfecit général donc, d'autant que de nouvelles embauches - une dizaine - ont été annoncées pour être effectives d'ici la fin de l'année. Mais tout cela va-t-il vraiment profiter à la technopole ?

Dominique Jolly, professeur de stratégie, spécialiste Chine et Innovation à Skema Business School dont le siège est sophipolitian, acquiesce plutôt à la question de savoir si le choix de Sophia-Antipolis est un bon signal envoyé au monde de la micro-électronique et de l'innovation.

"Définitivement oui, le choix de Sophia-Antipolis révèle que le modèle leur a bien plu. Les parcs scientifiques et technologiques sont récents en Chine, il y en a une centaine aujourd'hui. Huawei est forcément passé aussi par la Silicon Valley. Le déplacement sur place d'Eric Ciotti, le président du Conseil général,  a également beaucoup compté. Culturellement, les Chinois sont sensibles à l'empathie. Cette installation peut entraîner celle d'autres grandes entreprises internationales car Huawei est un peu le porte-étendard de la Chine à l'étranger. Aujourd'hui, tout le monde connaît l'équipementier. Lequel a déroulé un plan de développement en trois étapes. La première a été de commencer par se faire connaître à la campagne avant de s'étendre sur toute la Chine. La seconde étape a été de s'attaquer à des pays dits "faciles" comme l'Égypte ou l'Indonésie. La troisième étape est en train de se dérouler, des accords ont été passés avec des opérateurs de télécommunications reconnus tels Orange, Vodafone ou BT Group (anciennement British Telecom NDLR). Lorsque on prononce le nom de Huawei, cela dégage une image positive".

Ne pas être sino-béat

Cependant, Dominique Jolly modère un peu l'enthousiasme général :

"Attention à ne pas être sino-béat. Car il y a un gros territoire sur lequel Huawei n'est pas présent, ce sont les États-Unis. Et cela s'explique par le fait que le président fondateur, Ren Zhengfei, est un ancien de l'armée chinoise, il n'était certes pas sur le terrain mais travaillait en laboratoire. Les États-Unis se sont demandé s'ils allaient confier ne serait-ce que 5 % de leur réseau mobile à quelqu'un qui a fait l'armée. Et la réponse est non. Qu'est-ce qui assure qu'il n'y a pas des lignes de codes dans l'équipement de leurs téléphones qui remontent de l'information en Chine ? Le petit bémol en ce qui concerne Huawei, c'est cela".

Désireux sans doute de s'ouvrir encore davantage au monde de l'innovation, celui qui se place au 3e rang mondial derrière la firme de Cupertino et Samsung a engagé cette année un concours baptisé Inno Start, dédié au soutien à l'innovation et à l'entreprenariat. Visées : les start-up françaises. Si ce concours offre du cash - entre 80.000 à 100.000 euros - aux petites structures, pourrait-on voir Huawei s'intéresser d'encore plus près à ces jeunes pousses souvent  prometteuses et surtout nombreuses à Sophia-Antipolis ?

"Il est certain que Huawei, qui a compris que les start-up sont un moyen d'accéder à la connaissance, finissent par acter des prises de participation au capital".

Autre interrogation, une entreprise innovante doit-elle aller en Chine ? Pour Dominique Jolly, la réponse est positive, "mais il ne faut pas y aller seul. Il est recommandé de faire le déplacement avec un Chinois ayant fait ses études en France ou aux États-Unis". Tout cela à rapprocher d'une donnée significative : 650.000 brevets sont déposés par an en Chine contre 500.000 au pays de l'Oncle Sam...