Pour se sauver, Atos demande à ses créanciers d'effacer la moitié de sa dette colossale

Par latribune.fr  |   |  820  mots
Atos est à la recherche de 1,2 milliard d'euros et prévoit de convertir en actions près de la moitié de sa dette, (Crédits : STEPHANE MAHE)
Le groupe informatique français lourdement endetté Atos, qui a présenté son cadre de refinancement à ses créanciers lundi, est à la recherche de 1,2 milliard d'euros et prévoit de convertir en actions près de la moitié de sa dette de 4,8 milliards d'euros.

[Article publié le mardi 9 avril 2024 à 06h47 et mis à jour à 13h15Les créanciers devront s'asseoir sur leurs dettes. C'est ce qui leur a été indiqué ce lundi lors de la présentation par la direction d'Atos des paramètres du cadre de refinancement du groupe informatique qui veut restructurer sa dette d'ici à juillet.

Étranglé par une dette de colossale de près de 4,6 milliards d'euros, dont 3,65 milliards d'euros d'emprunts et d'obligations à rembourser ou refinancer d'ici fin 2025, Atos est à la recherche de 1,2 milliard d'euros et prévoit de convertir en actions près de la moitié de sa dette, a-t-il confirmé ce mardi avant l'ouverture de la Bourse de Paris, dans un communiqué.

Après l'annonce de ce cadre, le titre d'Atos reculait de 7,19% à 2,14 euros à la Bourse de Paris, dans un marché en baisse de 0,48% vers 11heures. « Le désendettement proposé est important, mais l'injection d'argent frais est relativement limitée et la baisse des ratios d'endettement est largement liée à l'augmentation rapide de la rentabilité, ce qui semble assez risqué », soulignent dans une note les analystes d'Oddo BHF, qui ont réitéré leur "opinion négative" sur l'action.

L'Etat octroie un prêt de 50 millions d'euros

Dans le détail, les propositions des créanciers sont attendues le 26 avril. Un accord de principe avec un groupe de banques et l'Etat sur un financement intermédiaire de 450 millions d'euros, permettant de donner de l'air au groupe informatique jusqu'à la conclusion d'un accord de refinancement « d'ici juillet 2024 », a également été annoncé.

« L'État prend sa part dans ce financement qui permet de stabiliser la situation financière du groupe et de donner de la visibilité aux parties prenantes, à travers l'octroi d'un prêt de 50 millions d'euros, a indiqué le ministère de l'Economie, dans un communiqué distinct, également publié ce mardi matin. Ce prêt, qui sera octroyé aux entités qui portent notamment les activités de calcul haute-performance, s'accompagnera de l'émission, au profit de l'État, d'une action de préférence conférant un droit de regard renforcé de l'État sur ces actifs stratégiques. Il constitue ainsi une première étape dans la protection des activités stratégiques du groupe annoncée par le Ministre le 19 mars dernier. »

La piste d'un démantèlement toujours sur la table

En échange d'un prêt de 50 millions d'euros, l'Etat aura « une action de préférence » sur Bull SA, une partie de la filiale « big data » et sécurité (BDS) qui contrôle les activités sensibles et souveraines d'Atos (notamment des supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire et des contrats avec l'armée française), a confirmé le directeur général d'Atos Paul Saleh, mardi, lors d'une conférence téléphonique.

Une bonne nouvelle pour le groupe à la recherche d'argent frais après l'échec ces dernières semaines de deux opérations de vente qui étaient censées renflouer les caisses :  celle des activités historiques d'infogérance, Tech Foundations, au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et celle des activités de « big data » et sécurité, BDS, à Airbus). Début février, Atos avait indiqué disposer de 2,4 milliards d'euros de trésorerie. Un montant suffisant pour découvrir (ses) besoins de liquidités jusqu'à l'éventuelle obtention d'un accord global pour restructurer sa dette d'ici à juillet.

La piste d'un découpage de ses activités n'est toutefois pas enterrée. Daniel Kretinsky serait toujours intéressé, selon la Lettre, qui lui prête une alliance avec l'entreprise canadienne CGI. Quant au français Dassault Aviation, en partenariat avec le groupe de conseil en ingénierie Astek, il serait sur les rangs pour les activités BDS.

Le cadre de refinancement présenté aux créanciers rebat les cartes quant aux éventuels futurs repreneurs du groupe. « Nous allons prendre toutes les propositions d'ici le 26 avril et les examiner. Nous avons mis des paramètres très clairs de ce qu'on essaye d'obtenir », a déclaré Paul Saleh.

« Nous allons évaluer toutes les propositions et en discuter avec nos créanciers. Ce sont eux aussi qui vont revoir les points des uns et des autres. Quand on arrivera à une proposition » que ces derniers soutiennent, « on la présentera à notre conseil d'administration », a-t-il encore précis

Des actionnaires minoritaires, réunis dans l'association Union des actionnaires d'Atos constructifs (UDAAC), ont plaidé ce mardi pour un « recentrage stratégique sur l'Europe et la cession des activités américaines », demandant à « être associés » aux négociations avec les créanciers.

David Layani, premier actionnaire d'Atos à travers sa société Onepoint (11,4% du capital), lui, veut conserver tous les actifs du groupe. Il doit présenter son projet au conseil d'administration fin avril. Ce dimanche, il a reçu le soutien de la société d'investissement Butler Industries.

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