Taxis-VTC : "Pourquoi s'en prendre aux LOTI, qui ont des salariés et paient leurs charges ? " (Voitures Noires)

Par Propos recueillis par Mounia Van de Casteele  |   |  864  mots
Karim Ferchiou, président de Voitures Noires, startup lancée en 2013, qui revendique un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros.
Karim Ferchiou, le président de Voitures Noires, PME de location de voitures pour professionnels, nous explique dans quelle mesure la loi Thévenoud, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, menace son activité (florissante) et les emplois que sa société a permis de créer.

Alors que certains chauffeurs poursuivent la manifestation de la veille, une semaine après celle des taxis, le patron de Voitures Noires, société française de location de véhicules, estime que la loi Thévenoud est aussi absurde qu'inapplicable. Entretien.

La Tribune : On ne vous connaît pas bien. Quelle est la place de Voitures Noires dans l'écosystème du transport urbain?

Karim Ferchiou : Nous avons été plutôt discrets jusqu'à présent dans les médias. Mais nous sommes le leader français de la location de voitures pour chauffeurs professionnels (VTC et Loti - pour loi d'orientation des transports intérieurs). Nous avons lancé Voitures Noires en 2013 avec 15.000 euros, et sommes devenus aujourd'hui le plus gros acteur du marché, devant Uber.

A ce jour, nous revendiquons un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros. Lancée en 2013, notre PME a déjà créé 100 emplois directs, et compte doubler ce chiffre cette année. Nous louons 1.500 voitures à des chauffeurs professionnels -ce sont autant d'emplois indirects-, et il y en aura 1.000 de plus d'ici cet été, notamment grâce à la seconde levée de fonds que nous sommes en train de réaliser. Nous avons une ambition forte, et envisageons d'étendre notre activité en louant entre 7.000 et 8.000 véhicules d'ici à 2018. Sur la seule année 2015, nous avons investi 40 millions d'euros en un an avec pour objectif d'atteindre les 120 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins de trois ans.

Si le grand public nous connaît moins, c'est parce que nous sommes une marque en BtoB (business to business, ndlr). Nous collaborons avec toutes les plateformes, qui mettent en relation passagers et chauffeurs.

Les chauffeurs Loti et les plateformes type Uber sont dans le viseur des autorités. Votre activité est du coup directement concernée ?

Absolument. C'est d'ailleurs l'une des raisons de notre colère, que j'estime légitime de la part d'un chef d'entreprise et d'un citoyen.

En effet, pourquoi s'en prendre aux Loti, alors qu'ils ne peuvent pas avoir le statut d'auto-entrepreneur, tant pointé du doigt par les taxis ? Seuls les VTC le peuvent.

| Lire "Le statut d'auto-entrepreneur est un faux problème" (Cardoso, LeCab)

Les Loti sont des sociétés commerciales qui payent leurs charges et qui sont obligées de salarier leurs employés ! Or ce sont ces mêmes Loti à qui l'on interdit d'utiliser une plateforme numérique. Mais où est-on ? Ce n'est pas possible !

Je ne demande pas de cadeaux, mais une loi qui ait du sens et qui soit applicable. Car nous n'en pouvons plus de ce millefeuilles administratif, avec des lois qui sont inapplicables dans notre quotidien.

Rendez-vous compte, certains chauffeurs capacitaires exercent depuis trente ans, et là, par un changement décidé en 2015, on bouleverse les conditions d'exercice de leur métier. Auparavant, ils pouvaient transporter moins de neuf personnes, et désormais, il faut qu'il y ait au moins deux passagers dans la voiture...

Donc en résumé, les taxis demandent l'application de la loi actuelle, tandis que les plateformes ainsi que leurs partenaires Loti et VTC déplorent son inapplicabilité. Pour l'instant, le gouvernement a mis en demeure certaines applications. Quant au médiateur qui a été désigné pour régler le conflit, le député socialiste Laurent Grandguillaume, il s'en tient au strict respect de la loi...

Et je le soutiens de toutes mes forces car sa mission n'est pas facile. D'autant qu'il y a des milliers d'emplois à la clef. C'est un homme qui a des valeurs et des convictions, comme il l'assure dans une interview accordée au Figaro. Et je pense d'ailleurs que nous devons en partager une bonne partie. Nous demandons simplement le droit d'exercer notre activité.

Ou sinon, demandons l'application à la lettre de la loi. Et dans ce cas, je m'engage à financer la mise à disposition de 1.000 personnes assermentées pour contrôler les 55.000 taxis. Afin de vérifier qu'ils acceptent bien les règlements par carte bancaire, comme l'impose la loi Thévenoud...

| Lire L'Etat a-t-il fonctionnarisé une profession?

Vous trouvez qu'il existe deux poids deux mesures ?

Il y a un vrai sujet avec les taxis aujourd'hui. Mais il faut avant tout arrêter de parler d'une industrie qui va mal : G7 affiche un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros et une marge nette de 25%. De qui se moque-t-on ?

| Lire sur L'Obs Derrière la grogne des taxis, le système Rousselet

Alors, que l'Etat veuille préserver une entreprise, qui a ses privilèges, cela peut s'entendre. Mais que l'on ne nous empêche pas d'exercer notre activité et de créer des emplois -qui plus est, des emplois qui ne sont pas délocalisables !- à l'heure où l'Etat français ne vit pas ses plus belle années économiques.

Nous avons dû convaincre des investisseurs, des banques, des constructeurs d'automobiles. Et nous ne demandons ni aides, ni subventions. Il ne s'agit pas d'emplois aidés, mais bien de créations nettes d'emplois directs et indirects dans un secteur qui s'auto-finance.

Que ferez-vous si l'Etat campe sur ses positions ?

Nous irons à Londres, où nous serons accueillis à bras ouverts.

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