Le gouvernement veut taxer les géants de l'Internet

Par Jamal Henni  |   |  535  mots
Copyright Reuters
Le rapport sur la télévision connectée propose de taxer le trafic du Web à son arrivée en France.

"L'ensemble des acteurs de l'Internet, qu'ils soient localisés en France ou à l'étranger, doit contribuer" au budget du Centre national du cinéma (CNC), a déclaré ce mercredi le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, lors des Assises du numérique.

Cela fait plusieurs mois que le gouvernement évoque une taxation des géants du Net, essentiellement américains. Mais un tel projet est difficile. Installés à l'étranger, ces acteurs ne paient quasiment pas d'impôts en France. Le Sénat avait voulu taxer la publicité apparaissant sur ces sites, mais il a reculé sous pression du gouvernement. La mission sur la télévision connectée, qui vient de rendre son rapport, propose une autre piste : taxer l'acheminement du trafic Internet. En pratique, cette taxe serait prélevée par les fournisseurs d'accès Internet (FAI) au moment où le trafic arrive chez un internaute français. Elle ne pourrait pas être contournée : en effet, pour être acheminé jusqu'à un internaute français, le trafic doit obligatoirement passer par un FAI hexagonal.

Demande de dérégulation

Le rapport propose aussi que les FAI soient "davantage impliqués dans le processus d'attribution des aides et la gouvernance du CNC". Il demande aussi que la TVA sur la vidéo-à-la-demande (19,6%) soit abaissée, pour atteindre un niveau "similaire" aux taux les plus bas, comme celle du Luxembourg où est installé le service iTunes d'Apple.

Surtout, le rapport, relayant le lobbying de TF1 et M6, plaide pour un vaste démantèlement des obligations pesant sur les chaînes de télévision. Argument : avec le raccordement des téléviseurs à Internet (télévision "connectée"), ces chaînes seront en concurrence avec les acteurs d'Internet sur lesquels ne pèse aucune régulation. La mission demande donc "une remise en cause" des limitations de la publicité à la télévision : volume maximal, secteurs interdits... Idem pour les diffusion de films : jours interdits, obligation de diffusion de films européens... Concernant le pluralisme politique, la mission propose de remplacer l'égalité des temps de parole par un principe d'"équité" ou d'"impartialité", comme en Grande-Bretagne. En matière de concentration, la mission propose d'être plus souple et de supprimer le nombre maximal de chaînes TNT que peut détenir un même groupe, en faisant porter la contrainte sur un plafond d'audience. Enfin, elle propose d'accorder aux chaînes les droits d'exploitation des fictions qu'elles ont financées.

Au spectateur de choisir

Toutefois, le rapport refuse de suivre les chaînes sur la question des "widgets", ces icônes qui apparaissent en surimpression sur l'écran lorsque l'on utilise un service de télé connectée. Les chaînes veulent en effet interdire les widgets qu'elles n'ont pas agréés, mais le rapport estime que c'est au spectateur de choisir ce qu'il veut, et que les chaînes n'ont qu'à saisir les tribunaux si besoin.

Enfin, le rapport propose de confier au gendarme des télécoms, l'Arcep, "l'ensemble de la régulation économique des réseaux", ou à défaut de le rapprocher du gendarme de l'audiovisuel, le CSA, comme cela a souvent été envisagé.