L'Hadopi a-t-elle (vraiment) fait reculer le piratage ?

Par Marina Torre  |   |  726  mots
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Après dix-sept mois d'activité, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) publie ce mardi une note où elle revendique une baisse des téléchargements illégaux grâce à sa méthode de riposte graduée. Mais les chiffres qu'elle met en avant sont à nuancer.

Un an et demi après son lancement, la Haute autorité pour la diffusion des ?uvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), annonce un recul du téléchargement illégal en "peer-to-peer" (P2P), c'est-à-dire via un système permettant d'échanger des fichiers d'ordinateur à ordinateur.

A l'appui, l'organisme cite dans le rapport public publié ce mardi une série de chiffres allant dans ce sens et croisant plusieurs sources. Ainsi, selon Nielsen, l'audience de ces sites aurait décru de 17% en 2011 en France (avant la fermeture de Megaupload en janvier 2012). Sur la même période, l'audience cumulée des principales plates-formes de P2P aurait connu lui aussi une érosion, estimée à 29% selon Médiamétrie/NetRatings.

La mise à disposition de vidéos, sans l'accord des ayant-droits aurait quant à elle chuté de 43% sur la même période selon la société Peer Media Technologies. Selon cette même source, en décembre 2011, la France ne représente plus que 4,5% de l'ensemble de l'offre illégale, contre 6,2% en début d'année. De son côté, l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) constate une baisse d'environ 66% des mises en ligne de films sur les réseaux P2P.

900.000 dossiers traités

L'organisme public indique avoir traité 755.015 dossiers entre octobre 2010 et décembre 2011. Parmi eux, 95% de ceux ayant reçu un premier courrier de l'Hadopi et 92% de ceux ayant été rappelés à l'ordre n'auraient pas "récidivé". Au troisième rappel, 98% des personnes soupçonnées de téléchargement illégal par l'organisme ne se voient pas reprocher un nouveau comportement illicite au cours des 12 mois ayant suivi l'envoi du courrier. Cette dernière étape pouvant les conduire au tribunal, l'effet dissuasif joue fortement dans ces statistiques. Au 15 mars 2012, 900.000 personnes auraient déjà reçu au moins un avertissement. "La réception d'une recommandation entraîne un changement de comportement", se félicite l'Hadopi dans son rapport, mettant en avant le rôle qui lui a été dévolu. Si les pirates démasqués jurent qu'on ne les y reprendra plus, les autres continuent de chercher des parades, en cachant par exemple leur adresse IP, qui permet de détecter un utilisateur.

Streaming contre P2P

Toutefois, rien ne permet d'affirmer que l'action de l'organisme est bien la principale cause de la baisse d'audience des sites de peet-to-peer. D'autres facteurs entrent en compte. Le streaming, en premier lieu, qui permet de visionner des vidéos ou écouter des morceaux de musique directement, pourrait avoir contribué à cette perte de vitesse du P2P. La proposition de Nicolas Sarkozy de sanctionner cette pratique allait d'ailleurs dans ce sens. Il faut également citer le téléchargement direct (Direct Download) tel qu'il était proposé par des sites d'hébergement comme Megaupload.

"Rien ne permet d'affirmer qu'il y a eu un report massif des usages vers les technologies de streaming ou de téléchargement direct", avance l'Hadopi dans sa note. A l'appui, l'organisme met en avant des données collectées par Médiamétrie/NetRatings, montrant qu'entre décembre 2010 et décembre 2011, l'audience de Megavideo, Hotfile ou RapidShare, trois hébergeurs, aurait fortement diminué. En revanche, celle de Megaupload, alors numéro 1 sur ce marché, était en hausse. De même, l'audience de Streamiz ou Dpstream, qui proposent des liens vers des fichiers en streaming et en direct download avait, elle aussi augmenté. Aucune mesure claire ne permet de dégager une tendance quant à l'audience des sites de streaming ou de téléchargement direct.

Des tendances d'audience

Pour évaluer l'audience des sites par exemple, Nielsen utilise un outil de mesure installé volontairement par les membres d'un panel qui autorise la transmission automatique de données relatives à son "parcours de navigation". Autrement dit, ces internautes autorisent l'institut à observer leur comportement sur le web, à la manière de Médiamétrie pour calculer l'audience des programmes télévisés. "Cette méthode ne permet pas de mesurer l'activité réelle de téléchargement mais l'intention d'usage", précise l'Hadopi dans son rapport public. Cela signifie que ce ne sont pas les téléchargements effectifs qui sont évalués mais le passage sur le site. Ces chiffres en eux-mêmes ne sont donc qu'indicatifs et soulignent bien une tendance : celle du recul de l'audience des sites de peer-to-peer.