Internet par satellite : le Conseil d'Etat met un coup d'arrêt au projet Starlink d'Elon Musk

Par latribune.fr  |   |  749  mots
Selon les estimations de la presse spécialisée, Starlink a déjà lancé dans l'espace pas loin de 2.000 petits satellites de 250 kilos. (Crédits : agence APPA)
Les ambitions d'Elon Musk sur le marché français de l'Internet par satellite a reçu un sérieux coup de frein. Dans une bataille franco-française, sous la pression d'ONG écologistes, le Conseil d'Etat a cassé la décision de l'Arcep d'octroyer deux bandes de fréquence à l'entreprise américaine. Dans le même temps, au niveau mondial, les acteurs cherchent à accélérer sur ce nouveau marché.

Le projet Starlink vient de recevoir le dernier coup de massue qui pourrait stopper toute ambition en France. L'offre Internet à très haut débit de l'américain, à l'origine destinée à relier les « communautés rurales et éloignées » vient de perdre ses fréquences hertziennes dans l'Hexagone, après un recours gagnant d'associations environnementales devant le Conseil d'État. Dans une décision publiée mardi, la juridiction administrative casse la décision de l'Arcep, prise le 9 février 2021, d'octroyer deux bandes de fréquence à l'entreprise lancée par Elon Musk pour relier ses satellites et des utilisateurs français.

Déjà, l'Américain ne disposait plus que d'une seule station terrestre en France, après l'arrêt des projets de Saint-Senier-de-Beuvron (Manche) et Gravelines (Nord). En cause pour le premier : la fronde des 350 habitants de cette ville agricole de la baie du Mont-Saint-Michel qui a pour particularité d'être située sur un nœud de raccordement de la fibre. Les riverains - soutenus par le maire, peu disposé à ce que sa commune serve de « cobaye », - s'inquiétaient aussi des impacts possibles des rayonnements électromagnétiques sur l'environnement et la santé des habitants.

Les zones blanches

Pourtant, Starlink permet aux habitants des zones mal desservies par les réseaux fixe et mobile des opérateurs télécoms d'avoir accès à Internet, via des milliers de petits satellites circulant en orbite basse (principalement 550 kilomètres) autour de la Terre. Le système a également besoin tout autour du globe de stations terrestres communiquant avec les satellites.

Lancé en 2019 via l'entreprise SpaceX (en 2021 en France), le service est d'ailleurs revenu sur le devant de la scène dans le contexte de la guerre en Ukraine, face à laquelle Elon Musk avait décidé de défier Vladimir Poutine en envoyant des cargaisons de stations de raccordement à Internet par satellite pour les Ukrainiens.

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Mais en France, le dossier est beaucoup plus complexe. La dernière station Starlink jusqu'ici autorisée par l'Arcep est située à Villenave d'Ornon (Gironde), dans la banlieue bordelaise.

Bataille franco-française

Dans le détail, le Conseil d'État reproche à l'Arcep de ne pas avoir procédé "à une consultation du public" avant d'accorder ce feu vert, alors même que cette décision était "susceptible d'avoir une incidence importante sur le marché de la fourniture d'accès à internet à haut débit, et d'affecter les utilisateurs".

Cette décision donne ainsi droit aux arguments des deux requérants, les associations environnementales Priartem et Agir pour l'environnement. Stephen Kerckhove, délégué général de la seconde, a salué une décision qui a "remis les choses à l'endroit". Par ailleurs, "nous appelons désormais l'Arcep à ne pas se contenter d'appliquer formellement" l'obligation de consultation, et "à bien procéder à une évaluation économique et environnementale" du projet de Starlink, a-t-il ajouté.

De son côté, l'Arcep a "pris acte" de l'analyse du Conseil d'État et s'est engagée à lancer la consultation publique demandée "dans les plus brefs délais", indique-t-elle dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon Me François Lafforgue, avocat des associations, la décision judiciaire interdit à Starlink d'utiliser ces fréquences, et donc de proposer son service en France.

Un nouveau marché, les données en jeu

Ce projet d'internet haut débit par satellite résonne avec l'ambition de plusieurs acteurs sur un marché naissant. Jeff Bezos (Amazon) avec le projet Kuiper  (3.200 satellites), entend bien rivaliser avec un projet similaire. Aussi, la société britannique OneWeb, reprise après une faillite, a déjà envoyé quelque 650 satellites pour son propre service. Mais aussi le projet Guowang chinois (13.000 satellites).

Selon les estimations de la presse spécialisée, Starlink a déjà lancé dans l'espace pas loin de 2.000 petits satellites de 250 kilos, dont un peu plus de 1.500 sont réellement actifs. Au total, la startup prévoit 43.000 satellites. Sa maison mère revendique déjà plus de 100.000 abonnés.

D'autres blocages pourraient se trouver au niveau européen. Mi-février les 27 pays de l'Union européenne se sont mis d'accord sur la nécessité pour l'UE d'avoir sa propre constellation de satellites de communications. Un "acte de souveraineté fort", avait souligné le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

(Avec AFP)

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