Le déploiement de la fibre a pris du retard dans les campagnes

Par Pierre Manière  |   |  593  mots
D'ici 2022, 15 millions de prises FTTH devraient être déployées dans les zones moins denses. (Crédits : © Lisi Niesner / Reuters)
A la fin 2015, seules 642.000 prises FTTH (fibre jusqu’au logement) ont été installées grâce à l’initiative publique dans les zones les moins denses du territoire, là où les grands opérateurs ne vont pas spontanément faute d’une rentabilité suffisante. C’est moins qu’espéré par les acteurs des télécoms en charge de ces déploiements, qui misent sur un rattrapage cette année.

Le dossier est sensible. Initié il y a un peu plus de deux ans, le plan France très haut débit vise à offrir le meilleur accès Internet possible à tous les Français à horizon 2022. D'un montant de 20 milliards d'euros (dont 12 milliards de l'Etat), il repose en grande partie sur le déploiement de la fibre optique par le biais d'une action coordonnée des secteurs public et privé. Dans les zones denses, comme les grandes agglomérations, les grands opérateurs télécoms comme Orange ou SFR investissent de leur propre chef. Mais ce n'est pas toujours le cas dans les campagnes et zones peu denses, qui couvrent 47% de la population, et jugées peu (voire pas) rentables. Dans ce cas, ce sont donc les Réseaux d'initiative publique (RIP), où les collectivités locales déploient leurs réseaux avec des acteurs privés, qui prennent la main. Avec pour objectif, in fine, que les grands opérateurs deviennent leurs clients en y proposant leurs offres.

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Seulement à ce jour, seules 642.000 prises FTTH (fibre jusqu'au logement) ont été déployées par les RIP, sur un total de près de 2,2 millions en zones moins dense, avec un objectif de 15 millions à horizon 2022. Aux yeux de la Fédération des industriels des RIP (Firip), qui a rappelé ces chiffres dans un rapport réalisé avec la Caisse des dépôts, ce jeudi, les choses ne vont donc pas aussi vite que prévu. Pour Etienne Dugas, son président, trois raisons expliquent ce retard. D'une part, Bruxelles n'a toujours pas donné son feu vert au plan France très haut débit. Résultat, les collectivités lèvent parfois le pied sur leurs projets, de peur de ne pas décrocher la manne publique nécessaire pour déployer leurs réseaux.

« Friture sur la ligne »

« C'est une vraie préoccupation, explique Etienne Dugas. A Bercy, on m'assure que ça va bien se passer. Mais dès que je demande quand Bruxelles se prononcera sur le sujet, personne ne souhaite s'engager sur une date... »

D'autre part, 2015 a été marquée par les élections départementales et régionales. « Par définition, ça crée de la friture sur la ligne, poursuit le président de la Firip. Dans plusieurs régions, des changements de majorité ont mis un coup d'arrêts aux projets de déploiements. » Enfin, le rachat de SFR par Numericable en 2014 a également ralenti les travaux.

« Après le rachat, SFR a cessé de payer ses fournisseurs, rappelle Etienne Dugas. Or tous les membres de la Firip travaillent avec SFR. Ça a créé un malaise, pour rester poli, assorti de licenciements chez certains. Ces turbulences ont donc eu un impact sur les RIP. »

Un rattrapage en 2016

Malgré ces déboires, Etienne Dugas mise sur un rattrapage dès cette année. Dans son rapport, la fédération se félicite ainsi du « très fort dynamisme » de la filière. En 2015, « près de 6.000 emplois directs équivalents temps plein ont ainsi été mobilisés », souligne-t-elle. Ce qui représente une croissance des effectifs de 17% par rapport à 2014. En outre, le chiffre d'affaires de la filière RIP a atteint 1,45 milliard d'euros l'an dernier (+15%).

D'après la Firip, les perspectives demeurent bonnes cette année, avec un objectif de 9.000 emplois pour un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros. Sachant qu'à horizon 2020, la filière devrait totaliser quelques 21.000 emplois dans l'Hexagone.