À l'approche des élections européennes, le secteur des télécoms poursuit son lobbying contre la politique de Bruxelles à son égard. Dans les colonnes du Financial Times, Börje Ekholm, le PDG d'Ericsson, a sorti la sulfateuse ce mardi. À ses yeux, l'Europe et son industrie des télécoms se trouvent dans « une situation désastreuse ». « Certains hommes politiques s'inquiètent d'une hausse des prix à court terme, mais cela met en péril la compétitivité à long terme du continent », a-t-il affirmé.
Le dirigeant fait directement référence aux multiples tentatives de fusions entre opérateurs télécoms qui ont été interdites par la Commission européenne ces dernières années. Celle-ci redoute, à chaque fois, que ces opérations de consolidation réduisent la concurrence et provoquent des hausses de prix. Le problème, d'après Börje Ekholm, c'est qu'en protégeant - trop à son goût - le consommateur, Bruxelles sape la compétitivité de l'industrie des télécoms. À l'en croire, la réglementation actuelle conduit l'Europe « à la dernière place et à l'insignifiance » en matière de numérique, et même sur le plan industriel au sens large.
Chute des ventes d'Ericsson
Si Börje Ekholm est si préoccupé par la situation des opérateurs télécoms, c'est parce qu'Ericsson paye cash leurs difficultés. Celles-ci se traduisent, concrètement, par un report du déploiement de la 5G, et donc de moindres achats d'équipements et autres antennes. Au premier trimestre, les ventes d'Ericsson ont reculé de 15%, à 53,3 milliards de couronnes (4,6 milliards d'euros). Le groupe fait le dos rond, et réduit au maximum ses coûts en attendant que les investissements des opérateurs reprennent. Au mois de mars, Ericsson a notamment annoncé la suppression de 1.200 emplois en Suède.
Ces préoccupations d'Ericsson sont partagées par son rival Nokia, et par presque tous les grands opérateurs du Vieux Continent. C'est en particulier le cas d'Orange, qui a récemment appelé à davantage de consolidation. « Les opérateurs européens souffrent d'un manque cruel de retour sur leurs investissements dans les réseaux », a écrit l'opérateur dans un « manifeste » publié le 12 avril dernier.
« Un désastre industriel »
Cette opinion fait aussi son chemin dans les milieux politiques. L'ex-Premier ministre italien, Enrico Letta, a récemment rédigé un rapport sur le marché intérieur européen. Dans un entretien au journal Le Monde, il déplore « la fragmentation » de plusieurs secteurs, dont les télécoms :
« Un opérateur télécom chinois aujourd'hui a, en moyenne, 467 millions de clients, un américain en compte 107 millions et un européen..., 5 millions ! On dénombre en Europe plus de 100 opérateurs télécom, on a divisé le marché en vingt-sept, c'est un désastre industriel. »
« Les règles doivent évoluer »
Lui aussi finit par appeler à plus de consolidation pour accoucher d'acteurs plus grands, avec davantage de capacités d'investissement. « Les règles en matière de concurrence dans ces secteurs stratégiques que sont les télécoms, l'énergie et les marchés financiers doivent évoluer, affirme-t-il. L'antitrust européen ne doit plus se prononcer en fonction de l'état de la concurrence dans un seul pays de l'UE, mais à l'échelle du continent ».
Chez Orange, ce point de vue a été salué. Directeur des affaires publiques du géant français des télécoms, Laurentino Lavezzi a indiqué, sur X, qu'« il est urgent de mettre la régulation en adéquation avec la réalité de marchés qui gomment les frontières entre le monde des télécoms et celui du logiciel ». Il appartient au politique, désormais, de décider.
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