La Tribune doit vivre !

Par La Société des Journalistes de "La Tribune", Le Syndicat national des Journalistes et les élus du personnel de "La Tribune"  |   |  516  mots
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Lettre ouverte à nos lecteurs

La Tribune va être placée en redressement judiciaire. Le pluralisme de l'information économique est en jeu.

La rédaction de La Tribune a appris la décision de la direction du journal de demander le 19 décembre la mise en redressement judiciaire de la société La Tribune. Une nouvelle phase s'ouvre donc aujourd'hui, avec la perspective d'une cession du journal à la barre du Tribunal de Commerce de Paris.

Nous tenons à vous alerter sur les risques que présenterait l'arrêt de sa publication. Depuis 26 ans, La Tribune fait preuve de professionnalisme, de rigueur et surtout d'indépendance.

La Tribune a contribué à la professionnalisation de la presse économique en venant concurrencer les Echos. Apporter un regard supplémentaire et nouveau est forcément facteur de transparence. C'est aussi un atout pour le fonctionnement de la vie économique de notre pays.

Cette année en particulier, La Tribune a par exemple révélé à ses lecteurs la non reconduction d'Anne Lauvergeon à la tête d'Areva, ou l'arrivée d'Alexandre de Juniac aux commandes d'Air France. Notre journal a été le premier à s'interroger ouvertement sur la gouvernance au sein du groupe Lagardère, ou sur la bronca des actionnaires historiques de Carrefour contre le projet de scissions porté par Groupe Arnault et Colony Capital.

En septembre, La Tribune dévoilait l'intention de Bernard Arnault d'écarter Yves Carcelle de la direction de Louis Vuitton. Cette semaine encore, La Tribune a révélé que Renault préparait une voiture bon marché.

Ces dernières semaines nous ont aussi montré que cette liberté d'expression pouvait avoir un coût. Nous avons perdu un budget publicitaire important après la parution d'un article sur la stratégie d'EDF qui s'interroge sur l'EPR.

La viabilité du journal est aujourd'hui remise en cause par la faiblesse de la trésorerie, liée à un manque de rentabilité qui frappe de nombreux quotidiens. Elle est aussi victime d'une gestion hasardeuse, constatée depuis 2008, date à laquelle Alain Weill a repris le journal avec 45 millions d'euros en caisse. En mai 2010, Alain Weill s'est délesté de 80 % du capital en le donnant à Valérie Decamp pour un euro symbolique.

Une faible rentabilité n'est pas l'apanage de La Tribune. C'est une des caractéristiques de la presse écrite quotidienne française. Elle est aussi le fait d'un paysage médiatique hexagonal immature, qui n'incite pas assez à la lecture des médias.

Plutôt que de vrais groupes de presse, des industriels détiennent aujourd'hui les clés de l'information. Un contexte qui n'est pas sain politiquement, et qui provoque une méfiance croissante du lectorat.

Cet environnement n'est pas non plus sain économiquement. La transparence et la démocratie sont aux premiers rangs des critères d'investissements dans un pays. Les entreprises et les institutions qui se soucient des outils dont la France a besoin pour être performante ne peuvent rester indifférentes à cette question.

Si La Tribune doit vivre, c'est parce que notre quotidien, par son indépendance, est une garantie du pluralisme de l'information économique. Et donc une des pièces du puzzle démocratique.