Canal Plus et CanalSat condamnés à divorcer ?

Par Jamal Henni, à Cannes  |   |  700  mots
Rodolphe Belmer, directeur général de Canal plus Copyright Reuters
Le CSA plaide pour l'instauration d'une "muraille de Chine" entre la chaîne cryptée et son bouquet satellite. Certains concurrents exigent même que CanalSat appartienne à un propriétaire différent. Canal Plus s'inquiète de la perspective d'un démantèlement potentiel. L'Autorité de la concurrence tranchera la question au plus tôt en juillet.

La tension monte entre Canal Plus et l'Autorité de la concurrence. La chaîne cryptée s'inquiète des obligations que va lui imposer cet été l'Autorité à l'occasion du nouvel examen du rachat de TPS. Rappelons que le gendarme de la concurrence a annulé en septembre le précédent feu vert au rachat de TPS accordé en 2006, et doit donner d'ici juillet un nouveau feu vert assorti de nouvelles obligations. Aujourd'hui, nul ne sait ce qu'il compte imposer. Il devrait lever le voile au plus tôt en juin sur ses projets en menant une consultation auprès du secteur. Puis il devrait annoncer au plus tôt en juillet ses décisions.

Canalsat autonome?

Pour l'instant, l'Autorité a recueilli les suggestions des acteurs du marché, du gendarme de l'audiovisuel (CSA) et de celui des télécoms (Arcep). Et certaines suggestions sont assez brutales, en particulier concernant le bouquet CanalSat. En effet, le CSA comme les acteurs du marché demandent à ce que CanalSat devienne plus ou moins autonome par rapport à Canal Plus. Autrement dit, qu'une séparation soit imposée entre l'activité d'édition de chaînes, et celle de distribution de chaînes. L'objectif est que Canal ne favorise pas ses propres chaînes (Planète+, Jimmy+...) par rapport aux chaînes thématiques qui ne lui appartiennent pas.

 Certains acteurs du marché sont même très radicaux, à en croire l'épais rapport d'instruction (près de 150 pages) que l'Autorité vient d'envoyer à Canal. "Pour certains acteurs, il convient d'imposer une séparation fonctionnelle entre édition et distribution. Mais de nombreux répondants ont préconisé une séparation structurelle", indique ce rapport confidentiel. Des acteurs ont même "proposé" de "scinder" CanalSat et Canal Plus afin que le bouquet appartienne à un nouveau propriétaire "indépendant". De son côté, le CSA, dans son avis rendu début mai et révélé par Le Point, avait aussi réclamé une "séparation fonctionnelle" entre Canal Plus et CanalSat.

 Séparation structurelle ou fonctionelle ?


En pratique, il existe déjà une séparation juridique, car CanalSat est une filiale de Canal Plus. Mais cette séparation juridique est limitée à la métropole, et n'existe pas outre mer et en Afrique, où Canal Overseas détient les deux casquettes. Et en métropole, les dirigeants de Canal Plus et de CanalSat sont parfois les mêmes. Concrètement, une séparation fonctionnelle permettrait à CanalSat de rester au sein de Canal Plus, mais en imposant une "muraille de Chine" interne. Plus drastique, une séparation structurelle impliquerait que Canal Plus et CanalSat deviennent deux sociétés distinctes, comme la SNCF et RFF. En pratique, les gendarmes de la concurrence imposent de temps à autre des séparations fonctionnelles (par exemple, ils ont imposé une muraille de Chine entre la régie publicitaire de TF1 et celle de TMC), mais imposent très rarement des séparations structurelles. Ironie de l'histoire, Vivendi, propriétaire de Canal Plus, a longtemps milité -mais en vain- pour imposer des séparations de ce type... chez France Télécom.

Un droit de la concurrence "lunaire" pour Canal Plus


Interrogée, l'Autorité de la concurrence n'a pas répondu, et la chaîne cryptée a refusé de s'exprimer sur ce rapport d'instruction. Mais on peut logiquement supposer qu'elle est farouchement opposée à la perspective de tout démantèlement. Toutefois, ses dirigeants commencent d'ores et déjà à envoyer publiquement des piques au gendarme de la concurrence.

Ainsi, samedi, lors d'un colloque à Cannes, le directeur général de Canal Plus Rodolphe Belmer, a qualifié de "lunaire" le droit de la concurrence actuel. Il a aussi raconté une rencontre récente avec l'Autorité, où cette dernière avait dit vouloir aider Al Jazira à se développer en France, au prétexte qu'il s'agissait d'un "petit" acteur. Une position surprenante pour la chaîne cryptée, qui martèle au contraire qu'Al Jazira dispose de moyens "illimités". "L'Autorité de la Concurrence ne prend en compte que le marché français", a déploré le n°2 de Canal Plus, demandant donc à "enlever les boulets inutiles" que traîne la chaîne cryptée.