La nouvelle bataille d'Hadopi commence

Par Sandrine Cassini  |   |  606  mots
Pierre Lescure a été nommé à la tête de la mission de concertation sur la réforme de la loi anti-piratage. Copyright AFP.
Pierre Lescure, l'ancien patron de Canal plus, devrait être chargé d'organiser la concertation sur une réforme de la loi anti-piratage. Son profil rassure les professionnels, même si le monde de la musique craint que le gouvernement revienne sur « cet acquis ».

Hadopi a eu des effets positifs sur l'industrie musicale et il est absolument nécessaire de préserver le dispositif. Tel a été le message martelé mercredi par le Syndicat des producteurs de musiques, le SNEP, qui dressait un bilan des ventes du premier trimestre. Car, malgré le changement de cap opéré par François Hollande pendant la campagne et les assurances données sur la préservation du droit d'auteur, le monde de la musique n'est pas encore rassuré sur l'issue de la « concertation » dont va faire l'objet la loi anti-piratage. « Pour nous c'est quand même la remise en cause d'un acquis important. Donc, nous ne pouvons pas être certains du résultat. On sait très bien que certains joueront la carte de l'abrogation pure et simple », a indiqué David El Sayegh, le directeur général du SNEP.

Lescure jugé "compétent et indépendant"

Une chose est sûre, les ayants droit saluent la nomination de Pierre Lescure, si elle était confirmée, à la tête de la mission de concertation de la loi. « C'est positif, c'est quelqu'un de compétent et d'indépendant. Il est libre de ses opinions », a complété David El Sayegh, qui a aussi indiqué voir d'un bon ?il participer à la fois la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, et la ministre déléguée au numérique, Fleur Pellerin. « C'est une concertation. Tout le monde doit donner son avis, et les fournisseurs d'accès à Internet sont bien sûrs concernés ». Même satisfecit du côté de la puissante Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). « Le parcours de Pierre Lescure constitue une expérience indiscutable », indique un communiqué. Seule l'Adami, qui représente les artistes-interprêtes, est plus réservée. Tout en accueillant Pierre Lescure avec « bienveillance »,« les artistes s'inquiètent de la multiplication des interlocuteurs et des responsabilités ».

Lâcher du lest sur la coupure de l'accès Internet

En attendant, l'industrie de la musique espère que le principe de répression contenu dans Hadopi ne passe pas à la trappe. Du coup, avant même l'ouverture de la concertation, beaucoup se disent prêts à lâcher du lest sur la coupure de l'accès Internet, sanction ultime de la loi, jamais appliquée depuis son entrée en vigueur, mais très mal perçue en France et à l'étranger. « Si on supprime toute forme de sanction, on franchit la ligne rouge. En revanche, si on renforce l'aspect pédagogique, en augmentant le nombre de mails envoyés, si on laisse un niveau d'amende pas trop élevé mais suffisamment dissuasif pour que télécharger illégalement ne soit pas plus intéressant que s'abonner à une offre, la suspension d'accès n'est pas nécessaire dans le dispositif. Cela permettrait aussi d'arrêter les critiques sur la liberté d'expression », a défendu Denis Ladegaillerie, le fondateur de Believe Digital, également président du SNEP.

L'absence de diversité à la radio tue autant que le piratage

Malgré le succès du numérique, qui pèse désormais 20% du chiffres d'affaires, les ventes de musique sont toujours dans le rouge, en baisse de 9% au premier trimestre à 51,3 millions d'euros. Outre le piratage, les producteurs se plaignent aussi du comportement des radios, qui ont tendance à passer en boucle un tout petit nombre de titres. « L'absence de diversité tue autant que la piraterie. L'écoute à la radio reste le premier facteur d'achat d'un titre, devant le bouche à oreille. Jusque là, on a eu du mal à se faire entendre des pouvoirs publics », a indiqué le directeur général du SNEP.