Budget 2013 : France Télévisions met la pression sur le gouvernement

Par Sandrine Cassini  |   |  795  mots
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Le groupe audiovisuel espère que la redevance sur les résidences secondaires sera bien votée, et qu'il obtiendra le maximum des nouvelles recettes. C'est, selon lui, la seule façon d'éviter d'avoir une année 2013 «trop difficile».

Surtout limiter la casse. A la veille du débat budgétaire, France Télévisions espère bien que la future redevance sur les résidences secondaires passera le cap parlementaire... et qu'il obtiendra l'essentiel de cette nouvelle manne. Cette taxe, qui devrait coûter moitié moins que la redevance principale, et qui devrait rapporter 114 millions d'euros environ, a été proposée par le président de la commission des affaires culturelles à l'Assemblée, Patrick Bloche. Si elle était votée, cette mesure se substituerait au projet initial d'augmentation de 2 euros nette (outre les 2 euros indexés sur l'inflation) sur la redevance générale. «Cette extension paraît plus juste que le relèvement de 2 euros du montant annuel de la contribution proposé par le projet de loi de finances», indique l'amendement du député socialiste. Les 2 euros auraient rapporté 50 millions d'euros supplémentaires.

Chez France Télévisions, alors que la crise gronde, on compte bien surfer sur cette proposition inespérée. «Cette nouvelle projection éviterait à France Télévisions d'avoir une année trop difficile à passer, qui conduirait le groupe vers un déséquilibre trop important», explique-t-on au sein de la direction du groupe. Ainsi, grâce à ce coup de pouce, France Télévisions indique qu'il devra économiser entre 75 et 100 millions d'euros par rapport à 2012, selon la part qu'il touchera des revenus issus de cette nouvelle taxe (70% selon le pourcentage perçu habituellement, ou 100% s'il est jugé qu'il faut tout attribuer à France Télévisions compte tenu de la situation exceptionnelle du groupe, qui doit absorber l'essentiel de la baisse des crédits publics). Rémy Pflimlin a commencé à négocier un nouveau «contrat d'objectifs et de moyens», qui fixe la ligne directrice du groupe. Le PDG de France Télévisions a déjà laissé entendre qu'il faudrait aller plus loin que les 500 réductions de poste déjà en cours. Les syndicats craignent que ce chiffre ne soit porté à 1.000 et qu'il donne lieu à des départs «contraints», ce que le PDG réfute pour l'instant.

50% du budget de France Télévisions consacré à l'achat de prestations extérieures
De leur côté les syndicats espéraient avoir fromage et dessert, autrement dit à la fois une augmentation de la redevance générale et une nouvelle taxe. «Il était question d'avoir les deux. Au final, c'est tout le contraire de ce qu'on nous a dit en amont», indique Sophie Arouet, UCSA-CGT, qui précise que France Télévisions a arrêté de faire travailler tous les précaires, des équivalents CDI qui seraient au moins 2.500, en plus des 10.000 salariés du groupe. «Si l'on doit faire des économies, il faut aussi revoir les accords Tasca, qui nous obligent à reverser 240 millions d'euros aux producteurs privés !», s'exclame la syndicaliste. Lors d'une audition parlementaire, Jean-Marie Beffara, membre de la commission des finances et rapporteur spécial de la mission «Médias, livre et industries culturelles» indiquait que 50% du budget de France Télévisions était consacré «à l'achat de prestations extérieures. L'effort pourrait donc porter sur cette enveloppe sans conséquences sociales pour les personnels».

Les producteurs privés réclament à nouveau l'augmentation de la redevance

Evidemment, les producteurs privés ne considèrent pas qu'ils doivent faire partie de la variable d'ajustement. Dans une lettre ouverte au gouvernement, la SCAM, qui les représente, a réitéré son désir de voir croître significativement la redevance. "Quel que soit l'état de la crise, le monde politique doit comprendre et faire voir aux Français que l'excellence et la survie de la culture et de la création valent bien 17 euros de plus par an", revendique sans rire son président, l'auteur-producteur réalisateur de documentaires Jean-Xavier de Lestrade.

Le tour de passe-passe budgétaire de l'Etat pour améliorer les comptes publics
Il faut dire que pour améliorer les finances publiques, l'Etat a décidé de tailler dur dans les crédits «Médias, livre et industries culturelles». L'enveloppe va baisser de 13% en 2013 à 1,22 milliard d'euros. La seule dotation versée directement des caisses de l'Etat à France Télévisions chute de 43%, passant de 450 millions d'euros à 256 millions l'an prochain. France Télévisions espère que le ministre du Budget s'en tiendra là. C'est pour compenser ce manque à gagner que serait créée une nouvelle redevance. Elle viendrait s'ajouter aux plus de 2 milliards déjà perçus par le groupe. Gros avantage pour l'Etat en termes de comptabilité, la redevance ne passe pas par la case budget: en compensant une baisse des crédits publics par une nouvelle taxe dont le reversement ne pèse pas sur le budget général, il peut afficher des économies nettes, sans (complètement) asphyxier le groupe public.