Pierre Lescure veut faire évoluer le statut d'hébergeur et enterrer l'Hadopi

Par Sandrine Cassini  |   |  600  mots
Pierre Lescure Copyright AFP
Chargé par Aurélie Filippetti de faire évoluer « l'exception culturelle » à l'heure du numérique, l'ancien patron de Canal Plus remet en cause la légitimité du statut de l'hébergeur qui dédouane les plateformes comme Google ou YouTube de responsabilité sur les contenus qu'elles diffusent.

Pierre Lescure lance plusieurs petites bombes. L?ancien patron de Canal Plus faisait ce jeudi un point d?étape sur sa mission sur l?exception culturelle à l?heure du numérique, en compagnie d?Aurélie Filippetti, la ministre de la culture. Sans dévoiler les propositions finales qui seront rendues au mois de mars, le chargé de mission, qui aura bientôt bouclé presqu'une centaine d?auditions (entreprises, syndicats, lobbies divers et variés?), en a dit un peu plus sur les chantiers à explorer. Et d'indiquer qu?il fallait se concentrer sur l?amélioration de l?offre légale (et faire évoluer notamment la chronologie des médias), trouver des solutions au financement de la création et faire évoluer le droit d?auteur.

Le statut d'hébergeur sur la sellette

Concernant le chantier baptisé « financement de la création », Pierre Lescure a souhaité « redéfinir le statut d?hébergeur ». « Il faut l?adapter à la réalité des statuts. L?hébergeur ne peut plus totalement revendiquer sa neutralité, ce qui ne signifie pas qu?il devient éditeur », a indiqué Pierre Lescure, sans plus de précision. Problème, le statut d?hébergeur Internet, dont se revendiquent Google, mais aussi YouTube, Dailymotion, eBay?, a été entériné en 2004 par la loi sur la confiance dans l?économie numérique, qui était une transposition de deux directives européennes adoptées en 2000 et en 2002.

Une modification du statut s?annoncerait donc compliquée. Elle aurait un impact à la fois sur Google, mais aussi sur YouTube, qui a lancé des « chaînes » en partenariat avec des producteurs développant ainsi sa concurrence avec les chaînes de télévision classiques et gratuites. Pierre Lescure veut-il faire entrer YouTube dans la législation qui oblige les diffuseurs à financer la création ? Sans répondre directement à la question, il s?est contenté de dire que « changer le statut ne signifier pas taxer Google, mais que la définition actuelle [de l?hébergeur] était soit inadaptée soit trop ambiguë ». La veille, la commission pour la télévision connectée, présidée par Emmanuel Gabla du CSA, avait déjà dit souhaiter revoir les définitions des nouveaux services de télévision sur Internet.

Faire participer "l'aval" au financement de la culture

Grâce à cette modification potentielle, Pierre Lescure pourrait aussi faire participer « l?aval » au financement de la culture. Car, le numérique « se traduit par une dévalorisation des ?uvres culturelles et un déplacement de la valeur des contenus vers les services », fait valoir la mission. Autrement dit, l?internaute ne paye pas pour des contenus, mais achète des tablettes, des ordinateurs, se rend sur des moteurs de recherche? Faire payer Google, Apple et autre Amazon serait donc opportun.

Enterrement de l?Hadopi, jugé inefficace
Autre sujet sensible, l?Hadopi, à laquelle Pierre Lescure prépare un bel enterrement. Comme l?a de nombreuses fois répété l?ancien patron de Canal Plus, rien ne sert de courir après les particuliers, mieux vaut s?en prendre aux gros poissons. L?Hadopi, qui repose sur le principe de la réponse graduée (l?envoi de mails d?avertissement aux internautes avant le déclenchement d?une procédure judiciaire). Son « efficacité est difficile à évaluer précisément [?] Il est probable qu?une proportion significative des internautes s'esrt tournée vers d?autres pratiques non surveillées», indique le communiqué de presse. En clair, le million de mails envoyés par l?institution créée sous Nicolas Sarkozy n?a servi à rien.