Naissance d'un nouveau numéro un mondial de la publicité

Par latribune.fr  |   |  830  mots
Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Copyright Reuters
Le groupe français Publicis, numéro trois mondial de la publicité, et son rival américain Omnicom, actuel numéro deux, vont fusionner pour former un nouveau leader du secteur, baptisé Publicis Omnicom Group

Le groupe français Publicis, numéro trois mondial de la publicité, et le numéro deux, l'américain Omnicom, ont dévoilé dimanche un projet d'union qui doit les propulser au premier  rang du secteur, et les renforcer face à la révolution du numérique. "Ce moment s'annonce historique et extrêmement important pour l'histoire des deux groupes et de la publicité", a souligné le patron de Publicis Maurice Lévy, lors d'une conférence de presse à Paris avec John Wren, son homologue d'Omnicom. "Je suis extrêmement heureux de cette opération qui va donner naissance au 1er groupe mondial", a-t-il ajouté.

Les groupes prévoient de fusionner au sein de Publicis Omnicom Group, une maison-mère qui sera cotée à Paris et New York. La direction opérationnelle sera maintenue dans ces deux villes, mais le siège social sera établi aux Pays-Bas. Un choix effectué par souci de neutralité et non pour des motifs fiscaux, ont assuré les deux dirigeants. L'union, que les deux groupes espèrent boucler fin 2013 ou début 2014, devrait bouleverser le podium des groupes de publicité.

Numéro un mondial, devant le britannique WPP

Si elle aboutit, elle créera un nouveau numéro un mondial incontesté du secteur, devant l'actuel chef de file, le britannique WPP, avec un chiffre d'affaires cumulé de 17,7 milliards d'euros et une valeur en Bourse de 26,5 milliards. Reflétant la valeur boursière équivalente de Publicis et d'Omnicom, leurs actionnaires respectifs (dont, côté Publicis, la philosophe Elisabeth Badinter, fille du fondateur Marcel Bleustein-Blanchet) auront chacun 50% du nouvel ensemble.

Maurice Lévy s'effacera dans moins de trois ans

Reflétant cet équilibre à 50/50, Publicis Omnicom Group sera codirigé au départ par Maurice Lévy (71 ans) et John Wren (58 ans). Cependant, au bout de 30 mois, le premier passera les rênes au second, se contentant d'un rôle de président non exécutif. L'opération pourrait permettre aux deux sociétés non seulement de dégager des synergies (évaluées à 377 millions d'euros ou 500 millions de dollars, à un horizon non précisé), mais surtout de mieux s'adapter à la vague du numérique. Celle-ci bouscule le marché publicitaire, l'essor des plateformes en ligne (mobiles, tablettes, applications dédiées) mettant à la peine les canaux traditionnels comme la presse écrite. Quant aux conséquences sur l'emploi, "je pense que si nous faisons bien notre travail, nous serons probablement créateurs d'emplois, même si nous passerons peut-être par une petite phase d'ajustement", a assuré Maurice Lévy.

Mais s'il s'est dit fort du "soutien" des pouvoirs publics français, la CGT a critiqué "une méga-opération financière plutôt qu'une fusion pertinente et complémentaire", et réclamé "une intervention du gouvernement et des autorités de la concurrence pour éviter toute situation de monopole en France et outre Atlantique".

Et les règles de concurrence?

Reste en effet à voir quel sera l'accueil que les gendarmes de la concurrence réserveront à ce projet de nature à accélérer fortement la concentration du secteur. Les deux groupes se disent confiants sur ce point. "Il y a beaucoup de concurrence" dans le secteur, notamment du fait de l'émergence de nouveaux acteurs comme Google et Facebook, a plaidé John Wren. Chacune des deux parties apportera dans la corbeille des réseaux d'agences publicitaires puissants (côté français, Publicis Worldwide, Saatchi & Saatchi, Leo Burnett; côté américain, BBDO, DDB et TBWA), avec les budgets de très grandes marques qui vont avec (Nike, LVMH ou Nestlé pour le groupe des Champs-Elysées; Volkswagen, Unilever ou ExxonMobil, pour son partenaire de Madison Avenue).

Les concurrents critiquent déjà

Dans le secteur, ce mariage a fait grincer des dents. Le patron d'Havas, David Jones, a pourfendu ce qu'il appelle une stratégie de "walmartisation" (course à la taille), face à de nouveaux concurrents hyper-agiles comme Facebook, de taille bien plus réduite. Selon lui, le projet va "détourner l'attention" des employés de leurs clients.

Ce projet, s'il réussit, constituera une consécration éclatante pour Publicis, fondé en 1926 à Paris par Marcel Bleustein-Blanchet, considéré comme l'un des pères de la publicité moderne et des slogans accrocheurs ("Brunswick, le fourreur qui fait fureur", "Dubo, Dubon, Dubonnet" ou encore "André : un chausseur sachant chausser") et des premiers slogans chantés à la radio. Il marquerait aussi un aboutissement personnel pour M. Lévy qui n'a eu de cesse d'internationaliser Publicis. Il a assuré ne pas agir par antagonisme personnel avec Martin Sorrell, patron de l'actuel numéro un mondial, le groupe britannique WPP. "Il n'a jamais été notre bête noire et nous ne nous sommes pas déterminés par rapport à lui", a-t-il dit.

Enfin, ce mariage illustre une fois de plus la puissante dynamique de consolidation à l'oeuvre au sein du secteur publicitaire. Il y a à peine un an, le japonais Dentsu avait annoncé le rachat pour près de 4 milliards d'euros du groupe britannique Aegis, bouclé en mars.