Pourquoi le siège social de Publicis Omnicom sera installé aux Pays Bas

Par Ivan Best  |   |  689  mots
Maurice Lévy, PDG de Publicis, deviendra directeur non opérationnel de Publicis Omnicom dans trente moisCopyright Reuters
A court terme, le choix d'implanter aux Pays Bas le siège du nouveau leader mondial de la publicité, Publicis Omnicom, ne présentera pas d'intérêt fiscal. Compte tenu des incertitudes sur la législation française, ce pourrait être en revanche le cas d'ici quelques années.

Comme l'ont annoncé dimanche ses dirigeants, Maurice Lévy et John Wren, le futur leader mondial de la publicité, Publicis-Omnicom aura son siège social aux Pays Bas. Pour des raisons fiscales, à l'évidence ? Absolument pas, a répondu le PDG de Publicis, qui met en avant le choix d'une place neutre : un siège social en France ou aux Etats-Unis, ce serait marquer la prédominance de Publicis ou d'Omnicom sur l'autre entité.
Bien sûr, bien sûr... personne n'est obligé d'accorder foi à cette affirmation de Maurice Lévy. Les techniques d'optimisation fiscale mises en place par les Google et autres Amazon commencent à être connues, et passent, entre autres, par l'utilisation de ces structures néerlandaises.

Rien à voir avec Google
Sauf qu'en l'occurrence, n'est pas Google qui veut... ll ne saurait être question, pour Publicis et Omnicom, d'utiliser la technique du « sandwich hollandais », ou la mise en place d'une holding intermédiaire permettant d'échapper quasiment à tout impôt.
En effet, Publicis aura bien du mal à déclarer, tout d'un coup, qu'elle ne réalise pas ou très peu de chiffre d'affaires en France, comme parvient à le faire Google, dont les clients français n'ont, officiellement, de relation d'affaires qu'avec une entité irlandaise. Les bénéfices générés par la future filiale française de Publicis Omnicom resteront bel et bien soumis à l'impôt sur les bénéfices des sociétés, en France, au taux de 33,33%.

De ce point de vue, le fait que le siège social du groupe soit aux Pays Bas ne changera rien. Comme le souligne le rapport d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale, consacré à « L'optimisation fiscale agressive des multinationales », contrairement à la plupart des pays de l'OCDE, la France a retenu, en matière fiscale, le principe de la territorialité : seuls les bénéfices réalisés sur le territoire français y sont imposés, mais ils le sont tous, quelle que soit la résidence d'origine de la société. A moins que le groupe ne mette en place un système de redevance pour utilisation de la marque, qui serait versé à la tête de groupe aux Pays Bas, mais c'est difficilement imaginable. Il faudrait le justifier, et en cas de transfert de cet actif immatériel aux Pays Bas, il serait imposé.

La souplesse du droit néerlandais

Il existe tout de même un intérêt fiscal : en France, une holding recevant des dividendes d'une filiale doit intégrer dans ses bénéfices une quote part correspondant à 5% de ces revenus, pour « frais et charges ». Ce ne sera pas le cas pour les bénéfices qui remonteront vers les Pays Bas. Mais ce n'est pas là un argument majeur. Il est un peu plus significatif s'agissant des plus-values : cette quote part pour frais et charges, imposable, l'est au taux de 12%. Autrement dit, les plus-values, exonérées au Pays Bas, sont taxées en France à hauteur de 4% (12% de la plus-value imposés à 33,33%).

Instabilité juridique française

Mais le plus important pourrait être la souplesse offerte par le droit des sociétés néerlandais, qui simplifie les restructurations. En outre, la tête du groupe Publicis Omnicom n'aura pas besoin de constituer un comité d'entreprise, qui serait informé de certaines décisions stratégiques, comme ce serait le cas en France.
Sans parler des risques d'instabilité juridique, qui font peur, notamment aux étrangers : « les dirigeants d'entreprise n'ont plus confiance dans la France », juge Michel Taly, avocat associé du cabinet Arsene Taxand. « Dans le cas d'Américains, ce n'est même pas la peine de leur proposer un siège social à Paris. Nous avions l'un des régimes de holdings les plus favorables, d'un point de vue fiscal mais cet avantage est régulièrement écorné, et on se demande jusqu'où cela ira. »

A l'inverse, le régime neerlandais n'a jamais bougé depuis vingt ans... Michel Taly le souligne, «à court terme, avoir un siège aux Pays Bas ne changera rien, fiscalement parlant. Mais à moyen long terme, à voir les évolutions françaises, cela peut être gagnant ».