Comment la bombe Free Mobile menace les bénéfices du secteur

Par Delphine Cuny  |   |  532  mots
La Tribune Infographie
Après Sosh d'Orange et Virgin Mobile, SFR annonce une forte baisse des prix de sa gamme Red. Les profits des opérateurs pourraient chuter de 30% en trois ans et leur dividende être réduit.

Attention à la destruction de valeur", avaient mis en garde les opérateurs mobiles en place avant l'arrivée de Free. Or l'offre explosive du nouvel entrant, deux fois moins chère à 19,99 euros (appels et SMS illimités, 3Go d'Internet mobile), les oblige un à un à réviser leurs offres sans engagement, ce qui risque de se traduire par une chute importante du revenu moyen par abonné (le fameux ARPU), du chiffre d'affaires et des profits. Par exemple, Orange a officialisé jeudi les nouveaux tarifs de Sosh, sa marque low-cost sans engagement vendue en ligne, qui représentent une baisse de 8 à 15 euros, le forfait appels illimités et 1 Go passant de 39,90 euros à 24,90 euros. SFR a indiqué jeudi sur Twitter que sa gamme Red proposerait, dès la semaine prochaine, de nouveaux forfaits oscillant entre 9,90 euros (2 heures d'appels, SMS-MMS illimités) et 24,90 euros (appels illimités en France et vers 46 destinations, 1 Go), contre 12 à 34 euros par mois actuellement. Bouygues Telecom dévoilera les nouvelles offres de sa marque B&You la semaine prochaine.

Ces économies importantes pour les consommateurs ne seront pas sans conséquences pour les entreprises du secteur. "Les opérateurs historiques ne pourront pas s'aligner sans ajuster leurs structures de coûts", observent les analystes d'Oddo Securities. S'ils calculent que Sosh peut baisser ses tarifs de 20% et dégager une marge brute d'exploitation ramenée à 35%, la même que sa maison mère, ils soulignent la difficulté d'amortir les coûts fixes de cette dernière en cas de cannibalisation par ces offres low-cost. De son côté, Stéphane Beyazian, du courtier Raymond James Equities, anticipe un scénario noir d'effondrement du marché. Il estime que le revenu moyen par abonné du marché mobile français devrait baisser de 10% par an jusqu'en 2015, donc de 30% en trois ans, tombant autour de 20 euros. "Cela implique que le chiffre d'affaires des principaux opérateurs mobiles français pourrait chuter de 30% d'ici à 2015 et leur Ebitda et cash-flow enregistrer un recul pouvant atteindre 40%. Les opérateurs seront contraints de mettre en place des plans de restructuration", prédit-il, voire d'abandonner les subventions de téléphones pour protéger leurs marges.

"Offres défensives"

Conséquence : ces groupes devront peut-être réduire leur dividende, puisque France Télécom pourrait se retrouver avec plus de 1 milliard d'euros de résultat brut d'exploitation en moins d'ici à 2015, idem pour Vivendi, et Bouygues 400 millions de moins. Jean-Ludovic Silicani, le président du régulateur des télécoms, l'Arcep, a déclaré aux Échos jeudi au sujet des opérateurs qu'il leur est "possible de réduire les sommes qu'ils versent à leurs actionnaires", suggérant à l'Etat, principal actionnaire de France Télécom d'envoyer "un signal important " en acceptant une baisse du dividende. Une perspective logiquement mal accueillie par les investisseurs : l'action France Télécom a baissé de 0,96% jeudi. Celle d'Iliad (maison mère de Free), qui avait atteint un record historique mardi, a cédé 4,5% en deux séances.

Autre effet probable de la bombe Free : la concentration. Selon Oddo, les opérateurs virtuels "vont se lancer dans des offres défensives où ils perdent de l'argent dans l'optique d'une cession de leur base" de clients.