Dégroupage : le débat sur la rente d'Orange refait surface

Par Delphine Cuny  |   |  601  mots
La Tribune Infographie/BHEDOUIN
Selon nos informations, le prix de gros payé par les opérateurs alternatifs ne devrait baisser finalement que de 20 centimes.

Les tarifs du dégroupage sont-ils trop élevés ? La question divise et revient régulièrement sur le devant de la scène. Oui, répondent bien sûr les alternatifs de l'ADSL qui paient 9 euros par mois et par abonnement à l'opérateur historique pour emprunter son réseau de cuivre ; non, selon France Télécom et le régulateur, l'Arcep. Ces prix de gros, qui n'avaient pas bougé depuis 2009, vont légèrement baisser, mais pas autant qu'espéré initialement, du fait de la diminution du nombre de paires de cuivre du traditionnel réseau téléphonique : selon nos informations, le prix que France Télécome;lécom annoncera la semaine prochaine, applicable au 1er janvier 2012, sera de l'ordre de 8,75 à 8,80 euros (- 2,5 %), en baisse de 20 à 25 centimes contre 29 centimes la fois précédente. À raison de 8,57 millions de lignes en dégroupage total, l'économie pour l'ensemble des alternatifs, ou le manque à gagner pour France Télécome;lécom, ne sera que d'une vingtaine de millions d'euros par an.

Or le débat sur la « rente » excessive de l'opérateur historique dans le fixe refait surface. En octobre dernier, la commissaire européenne Neelie Kroes a relancé l'idée d'abaisser les tarifs du dégroupage pour inciter les ex-monopoles à accélérer le déploiement de la fibre optique. Mercredi, lors d'un débat informel sur le financement public du très haut débit organisé par le sénateur (UMP) Philippe Leroy, le professeur d'économie à la Sorbonne Laurent Benzoni est revenu à la charge : « le coût de la boucle locale de France Telecom calculé par l'Arcep est surévalué d'environ 2,5 ?/mois et par ligne » et reviendrait au total à « 18 milliards d'euros de 1997, le double de sa valeur comptable réelle », avance cet expert. « C'est l'économiste de Bouygues Telecom depuis de nombreuses années » observe, un rien perfide, un fin connaisseur du secteur. Laurent Benzoni, qui ne cache pas avoir contribué à la réponse de l'opérateur à la consultation publique de l'Arcep sur les coûts du cuivre en mai dernier, affirme qu'il s'agit d'une « erreur technique » de l'Arcep, commise aussi mais corrigée par le régulateur britannique l'Ofcom, pour le réseau de BT.

"Il n'y pas de rente de France Télécome;lécom et il n'y a pas d'erreur technique" se défend le directeur général de l'Arcep, Philippe Distler. "Nous utilisons la méthode des coûts courants économiques qui, par rapport à la valeur comptable, donne le bon signal économique, corrige les effets conjoncturels des comptes (optimisation fiscale etc...), et prend en compte l'inflation, le progrès technique et la durée de vie économique des actifs dans la valorisation des investissements effectivement réalisés."

"Réaffecter la rente"

Si les opérateurs alternatifs réclamaient auparavant que leur soit rétrocédé ce qu'ils considèrent comme un "trop-perçu", Laurent Benzoni suggère de "réaffecter cette rente", de l'ordre de 600 à 800 millions d'euros par an, "à un Fonds fibre". Ce n'est toutefois pas la solution privilégiée par les sénateurs Leroy et Maurey, dont la proposition de loi sera examinée le 14 février en séance publique au Sénat, pour abonder le Fonds d'aménagement numérique du territoire. Ils prônent deux taxes : une "contribution de solidarité numérique" de 75 centimes par mois par abonnement Internet et par forfait mobile (45 euros par an pour un foyer de 4 personnes) et une taxe de 2 % sur le prix net de vente des téléviseurs et des consoles de jeu, et ce jusqu'en 2025.