Retour de tacle de Stéphane Richard à Xavier Niel devant l'Assemblée

Par Delphine Cuny  |   |  901  mots
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Le patron de France Télécom n'a pas mâché ses mots lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, une semaine après celle du fondateur de Free.

Venu « remettre un certain nombre de pendules à l'heure » et contester « la désinformation de Free », Stéphane Richard, le Pdg de France Télécom-Orange, n'a pas mâché ses mots ce mercredi matin, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, une semaine après celle du fondateur de son rival Free, Xavier Niel. « Je n'ai jamais sous-estimé ni dénigré Free mais je trouve indignes et injustes » les termes employés par Xavier Niel au lancement de son offre mobile, le 10 janvier. « On nous a traités d'escrocs, de salopards » a dénoncé le patron de l'opérateur historique. Stéphane Richard n'a pas caché être « agacé par l'activisme de Free » sur les problèmes de portabilité de numéro des clients souhaitant passer chez le nouvel opérateur mobile. « On essaie de faire porter le chapeau aux autres des difficultés de démarrage par ailleurs compréhensibles. Dès qu'il y a un problème chez Free, c'est toujours de la faute des autres » a déploré le patron du premier opérateur français. « En proposant un abonnement gratuit à leurs 4,7 millions d'abonnés ADSL, [les dirigeants de Free, NDLR] auraient pu penser qu'il y aurait des flux importants de portabilité et auraient dû communiquer des prévisions de trafic au GIE Portabilité » leur a-t-il reproché.

Pleins feux sur le dividende de Xavier Niel

Interrogé sur la question des marges bénéficiaires, Stéphane Richard a relevé que son groupe réalise une marge de 35% dans le mobile en France « ce qui se situe dans la moyenne basse » par rapport à la trentaine d'autres pays où Orange est présent. « Ce niveau nous a permis d'investir, dans la 2G, dans la 3G ; on va voir ce qu'il advient de cet équilibre qui existait avant le 4e opérateur. » Revenant sur les critiques de Xavier Niel portant sur les gros salaires chez ses concurrents, le patron de France Télécom a observé que le principal actionnaire de Free avec plus de 62% du capital, aimait présenter sa société « comme une coopérative ouvrière où tout le monde serait payé pareil » mais que ce dernier a perçu « 14 millions d'euros de dividende l'an dernier : son salaire de 175.000 euros annuels c'est de l'argent de poche ! » a ironisé le dirigeant, qui a rappelé que son propre salaire fixe était de 900.000 euros, plus une part variable de 600.000 euros maximum « qu'il ne risque pas de toucher » vu les circonstances.

Une mauvaise affaire pour l'Etat et les contribuables

Si certains concurrents, notamment SFR, accusent Orange d'avoir fait leu jeu de Free en signant un contrat d'itinérance 3G pour les zones où le nouveau réseau mobile n'est pas encore déployé, Stéphane Richard a martelé que « ce ne sont pas les conditions du contrat d'itinérance qui permettent à Free de faire les offres qu'il fait, ce sont les terminaisons d'appel » (les tarifs de gros d'interconnexion) que Free espère déséquilibré en sa faveur à un niveau « inadmissible et injustifié » (2,85 centimes) : « cela revient à faire financer le réseau de Free et ses offres par les concurrents ! » Bien que le contrat d'itinérance soit confidentiel, il n'a pas exclu d'en révéler la teneur si la polémique persiste. Plus généralement, il a souhaité interpeller les parlementaires sur « le déferlement des modèles low-cost dans l'économie », s'inquiétant de « la perte de perception de la valeur du service » pour un opérateur employant 12.000 salariés dans 1.200 boutiques et 24.000 dans les centres d'appel. Enfin, « si l'affaire est bonne pour le consommateur, pour l'instant c'est une très mauvaise affaire pour les contribuables. L'Etat sera le grand perdant. Déjà sa participation dans France Télécom a baissé de près de 4 milliards d'euros depuis l'arrivée de Free. Et si l'Arpu (le revenu moyen par abonné, NDLR] baisse, le produit des taxes aussi » a-t-il mis en garde, en prenant soin de rappeler que le groupe est « un contributeur important au budget de l'Etat : en tout 4 milliards d'impôts et taxes ainsi que 1 milliard de dividende, et récemment un chèque de 1 milliard pour des achats de spectre », les fréquences mobiles 4G.

La mamie du Cantal contre le « geek »

Interpelé par des élus d'Auvergne, celui qui présente son groupe comme « l'entreprise des Français, puisque l'Etat possède encore 27% du capital », a dû s'expliquer au sujet de son expression mal interprétée sur « la mamie du Cantal [qui] n'a pas besoin de la même offre que le geek à Paris » dans une interview au « Figaro » début janvier. Lui-même originaire de Lozère, l'ex-directeur de cabinet du ministère de l'économie sous Christine Lagarde s'est dit « triste d'avoir déclenché une polémique » alors qu'il n'éprouve « aucun mépris mais une vraie tendresse » pour ladite mamie du Cantal dont Free Mobile s'était emparée pour créer le buzz avant son lancement. « Le forfait unique pour 65 millions de Français je n'y crois pas, je crois à une certaine segmentation. Les usages ne sont pas les mêmes » a-t-il plaidé. Par ailleurs, sur le sujet sensible de l'aménagement numérique du territoire, il a promis de sanctuariser les investissements prévus dans le déploiement de la fibre optique, car « c'est le réseau du futur et c'est essentiel pour l'avenir d'Orange. »