Free : le numéro d'autosatisfaction de Xavier Niel

Par Delphine Cuny  |   |  1541  mots
Xavier Niel (au centre), aux côtés de Maxime Lombardini (à gauche) et Thomas Reynaud (à droite) jeudi au siège d'Iliad.
La parole était à "l'accusé" en quelques sortes jeudi. Iliad, la maison-mère de Free, cotée en Bourse, a présenté ses résultats annuels et répondu aux nombreuses questions en suspens et aux attaques des concurrents. Résumé des déclarations les plus saillantes.

Combien de clients au mobile et d'où viennent-ils?
Les dirigeants d'Iliad ont dès le début de la conférence de presse prévenu qu'ils ne révéleraient pas le nombre d'abonnés au mobile. « On attend le mois de mai pour communiquer sur un trimestre entier », a répondu Xavier Niel. Pas de confirmation du chiffre de 1,5 million soufflé mi-février par Orange. « On fait bouger assez brutalement les lignes après 20 ans d'oligopole », a commenté Maxime Lombardini, le directeur général. C'est « un immense succès commercial » selon le directeur financier Thomas Reynaud, qui précise que les pertes de démarrage du mobile imputées sur 2011 sont « d'une petite vingtaine de millions » d'euros.

« Je crois qu'il n'y a pas eu d'opérateur dans le monde, même dans les pays en forte croissance comme au Pakistan, qui ait eu autant d'abonnés au lancement » s'est auto-congratulé Xavier Niel. Quant à la provenance des clients, le fondateur de Free a juste indiqué « nous avons un parc de gens abonnés depuis longtemps (au fixe) qui sont très vite venus s'abonner au mobile. » La répartition entre clients au forfait à 2 euros et ceux à l'offre à 19,99 euros serait « équilibrée. » Désormais, « le marché se fluidifie. » Le délai de portabilité a été ramené à « 4 ou 5 jours. »
 

Quid du cap des 3 millions de clients : l'offre va-t-elle évoluer ?
L'offre sera-t-elle effectivement réservée aux trois premiers millions de clients ? Xavier Niel a d'abord botté en touche, lançant « nos concurrents disent qu'on augmentera les prix après, alors dépêchez-vous de vous abonner ! » Redevenant sérieux, il a observé que « Free a gardé son prix inchangé pendant 8 ans dans l'ADSL à 29,99 euros, et ça nous a plutôt bien réussi. » Pour ce qui est de l'offre à 2 euros « nous allons encore l'améliorer. Nous espérons ouvrir cette semaine le paiement par carte bancaire. Et nous allons travailler le secteur du prépayé pour les clients non bancarisés, qu'on adresse mal avec nos offres » a reconnu Xavier Niel.
 

Combien d'antennes : le déploiement est-il au point mort ?
Dans un communiqué à part de 2 pages consacré à son réseau mobile, « en réponse à la campagne de dénigrement orchestrée ces dernières semaines », le groupe Iliad indique avoir 1.000 sites « actifs » (construits et allumés), son objectif étant d'en avoir au moins 2.500 à la fin de 2012. La priorité sera à la densification du réseau : car la couverture est aujourd'hui « discontinue. Les abonnés sont donc souvent en itinérance. Du fait des difficultés de déploiement d'antennes sur les zones les plus denses, le réseau ne couvre pas les zones à fort trafic ». Par exemple, « à Paris, nous avons 10 antennes actives, il nous en faudrait 300 pour une couverture parfaite » a relevé Xavier Niel. Il veut « aller le plus vite possible et en particulier sur des poches données atteindre une couverture à 100% » Le groupe a mandaté des prestataires et TDF pour la recherche et la construction de plus de 6.000 sites équivalents à la couverture de plus de 75% de la population.
 

Un vrai réseau ou un "coucou" ? 
Quant à la polémique sur l'inadaptation de la méthode de mesure, le groupe observe que « ce protocole n'a jamais été critiqué » auparavant et « ce n'est qu'après le lancement de Free Mobile que certains ont remis en cause ce qui était accepté sans réserve jusque là. » En forme de pied de nez, le groupe note que « Free Mobile est le premier opérateur à respecter ses obligations de couverture 3G dans les délais de sa licence », Orange SFR et Bouygues ayant obtenu des reports après injonction.

Le ton se fait ensuite plus comminatoire : « à compter de ce jour, Free Mobile attaquera en justice toute personne dénigrant la réalité de sa couverture ou de ses investissements. Depuis le 10 janvier, le marché français du mobile est concurrentiel et les Français s'en réjouissent, il faut l'accepter. » Eric Besson, le ministre de l'Industrie qui a demandé à l'agence nationale des fréquences un rapport sur la couverture réelle du réseau Free, n'a pas été épargné : « M. Besson se croit encore salarié de Vivendi, ou bien il veut peut-être y retourner. Il a toujours été contre l'attribution de la quatrième licence. Quand vous êtes ministre, vous travaillez pour l'intérêt général » a lancé Xavier Niel.

« On n'est pas du tout un opérateur coucou, on n'a pas un vrai-faux réseau. On a l'ambition d'avoir un réseau complet à l'horizon 2018. On respecte naturellement nos obligations de couverture, qui ont été vérifiées à deux reprises par l'Arcep» a déclaré Maxime Lombardini. Le lancement commercial des services 4G sera pour début 2013. L'opérateur a rappelé qu'il avait investi 242,7 millions d'euros pour sa licence 3G en 2010 puis 274,5 millions en 2011 pour sa licence 4G, soit 517 millions, auxquels il faut ajouter 400 millions d'euros d'investissement engagés dans le déploiement - dont 170 millions déjà décaissés, le contrat avec l'équipementier Nokia Siemens Networks permettant d'étaler les paiements. Un montant élevé « pour un opérateur qui ne voudrait que bénéficier de l'itinérance » ironisent les dirigeants.
 

Combien lui coûtera in fine le contrat d'itinérance avec Orange ?
« Pour nous l'itinérance est un mal nécessaire qu'on espère temporaire » a expliqué Maxime Lombardini. Thomas Reynaud a admis que « 85% à 90% » du trafic de free Mobile transite actuellement par le réseau d'Orange : « c'est le début, ça ne fait que deux mois » pondère-t-il. « Notre accord d'itinérance avec Orange n'est ni plus ni moins qu'un accord de « full MVNO », comme celui de Virgin Mobile, nous n'avons aucun avantage spécifique. Ce contrat n'est pas quelque chose sur lequel on peut faire reposer un modèle » a martelé Xavier Niel. « Il y a ensuite la terminaison d'appel, qui sera asymétrique, comme pour Virgin. »

Le trafic et le nombre d'abonnés étant plus élevés que prévu, coûtera-t-il plus cher que 1 milliard d'euros six ans ? « On entend 1 milliard ou 1,5 milliard, ou même des chiffres supérieurs. Si on avait la possibilité de mettre 1 milliard d'euros sur la table pour avoir notre réseau tout de suite, ce serait bien plus avantageux financièrement. » Les dirigeants d'Iliad ont indiqué avoir reçu, avant de signer avec Orange l'an dernier, « des propositions des deux autres opérateurs (SFR et Bouygues) assez agressives en particulier sur la voix et le SMS. » Sur la 3G, on ne saura pas si Orange a été le seul à la proposer.
 

Quid du sort des MVNO ?
Les opérateurs mobiles virtuels, regroupés au sein de l'association Alternative Mobile, ont demandé à l'Arcep d'ouvrir une procédure de sanction contre Free pour non-respect des engagements pris dans sa licence sur l'accueil des MVNO, jugeant scandaleux les tarifs proposés dans ses offres de gros. « Les prix étaient connus, nous les avions donnés dans notre licence. Les MVNO inventent des histoires. Aucun ne nous a contactés pour souscrire à nos offres de gros » a affirmé Xavier Niel. Et d'ajouter « Notre offre est financièrement plus agressive que ce dont ils bénéficient actuellement auprès de leur opérateur hôte. Ils aimeraient juste qu'on remonte nos prix de détail ! »
 

Quand Free vendra-t-il l'iPhone 4S ?
« Nous avons volontairement retardé la commercialisation. Nous ne voulions pas ajouter des problématiques de terminaux aux problèmes de portabilité » a indiqué Xavier Niel. L'iPhone 4S, prévu initialement pour le 27 janvier, sera disponible « courant mars » chez Free. Les prix des terminaux vendus sur le site de Free Mobile, qui étaient parfois plus élevés que chez la concurrence, viennent d'être baissés de 15% à 30% il y a quelques jours, en particulier le Galaxy SII de Samsung passé de 479 à 399 euros.
 

Quel effet sur les ventes ADSL ?
« On voit un intérêt renforcé des abonnés Free Mobile pour la Freebox Révolution » a observé Xavier Niel. Mais interrogé sur le lancement d'une offre quadruple-play, combinant abonnement haut débit (triple-play) et forfait mobile, il a répondu que « chez Free, on est pour la liberté, on ne contraint pas à s'abonner aux deux, on garde deux factures. » Par ailleurs, sur l'ADSL ? « On avait dit qu'on approcherait des 5 millions d'abonnés fin 2011, on y est presque » a souligné Maxime Lombardini : 4,849 millions exactement. « Le niveau de migration des clients Alice vers Free est assez satisfaisant » selon lui : en réalité, sur l'année, Alice a perdu 177.000 clients, à 388.000 fin 2011 contre 678.000 fin 2009, mais Free n'en a récupéré que la moitié, 85.000. Pour la fibre, le DG a dû revoir à la baisse son objectif de 100.000 abonnés à fin 2011 : il n'en a que « quelques dizaines de milliers. La mutualisation se passe bien mais c'est un combat de tous les jours d'entrer dans les immeubles, ça prendra plus de temps. »
 

Combien de boutiques Free Center ?
Il y aura bientôt 15 Free Centers en France, ce sont le nombre de baux signés à date. Trois boutiques (Rouen, Troyes, Angers) sont déjà ouvertes, d'autres vont suivre dont une à Paris « avant la fin juin. » A terme, l'objectif est d'en avoir une centaine. Car dans les zones où ces boutiques ont été implantées, l'opérateur observe qu'il « recrute mieux et fidélise ».