Xavier Niel : « SFR est la principale source de recrutement de Free Mobile »

Par Delphine Cuny  |   |  782  mots
Xavier Niel au lancement de Free Mobile. Copyright AFP
Le fondateur de Free revient sur le lancement réussi de son offre mobile dans un entretien à Challenges.fr. Il reconnaît des excès dans ses propos à l'égard de la concurrence.

Pas de déclarations tonitruantes, sa marque de fabrique habituelle, ni même de superlatifs. Dans l'entretien qu'il a accordé mardi au site du magazine Challenges, Xavier Niel, le fondateur de Free et principal actionnaire de la maison-mère, Iliad, analyse avec lucidité, et même une certaine modestie, le lancement de son offre mobile. La conquête de 2,6 millions d'abonnés mobiles en trois mois, annoncée ce matin dans le cadre de la publication du chiffre d'affaires trimestriel, « c'est beaucoup plus que ce que nous attendions », commente-t-il sobrement. Il distribue même un bon point à Bouygues Telecom « qui a réagi immédiatement de manière plutôt intelligente », en ne touchant « pas à ses offres chères et en développant des offres agressives », sous sa marque low-cost B&You.

« Bouygues a réagi intelligemment, SFR n'a eu aucune réaction »
En revanche, il considère que « SFR n'a eu aucune réaction. Très naturellement, c'est devenu notre principale source de recrutement d'abonnés, devant Bouygues Telecom et les opérateurs virtuels » indique Xavier Niel. SFR a perdu 620.000 clients dont 274.000 abonnés au cours du premier trimestre. Bouygues Telecom, qui vient de publier ses chiffres à fin mars, a perdu 379.000 clients mobiles, dont 210.000 abonnés et 169.000 clients aux cartes prépayées. Mais SFR s'apprête à contre-attaquer: Frank Cadoret, le directeur général de l'opérateur, annonce qu'il va s'aligner sous 15 jours sur le 19,99 euros de Free Mobile, mais avec 500 Mo de données.

Xavier Niel se défend de faire du low-cost : « notre modèle est le même que pour la Freebox : faire le produit le plus haut de gamme au meilleur prix. Pour le mobile, nous sommes le seul opérateur à n'utiliser que des équipementiers européens », en l'occurrence Nokia Siemens Networks et Alcatel-Lucent, « alors que tous nos concurrents utilisent des équipementiers chinois », en réalité pour une partie seulement et Free aussi dans le fixe. « Free Mobile n'a délocalisé aucun de ses emplois. Notre siège est installé dans de beaux locaux au centre de Paris » fait valoir le vice-président du conseil d'administration d'Iliad. Il relève que ses concurrents « répètent que tout est revenu à la normale. Il y a donc encore un peu d'espace économique pour jouer dans ce monde. »

Presque des excuses pour ses propos agressifs
Dans un exercice dont il n'est pas coutumier, Xavier Niel se livre même à une forme de mea culpa. Interrogé sur les propos insultants (escroquerie, racket, pigeons) à l'égard des concurrents et de leurs clients tenus lors du lancement de Free Mobile le 10 janvier, il invoque « la peur que cela ne marche pas », qui conduit à aller « peut-être un peu loin sur certaines choses. » Si c'était à refaire, « ce serait moins agressif » affirme-t-il. Tout en relevant qu'il n'a « pas été attaqué en diffamation pour avoir dit que les Français ont été considérés comme des pigeons. » Sur l'autre polémique, celle sur le respect de ses obligations de couverture, il observe que « le débat a totalement disparu », après les mesures de l'Arcep et de l'ANFR.

Objectif 10 à 20 millions d'abonnés mobiles
Sur le modèle économique de Free Mobile, Xavier Niel explique qu'il vise « une marge brute de 50%, comme dans l'ADSL » et ce en misant « sur 10 à 20 millions d'abonnés», sans préciser l'horizon. Certains analystes tablent sur 5 millions à la fin de 2012. Xavier Niel reconnaît que si l'offre illimitée à 19,99 euros est rentable (« confortable »), celle à 2 euros ou zéro pour ses abonnés ADSL ne l'est que parce que « nous vivons des dépassements » du forfait, qui sont « facturés à prix bas mais sur lesquels nous générons des profits. » Le pari étant qu'à terme « tout le monde consommera de la donnée et prendra un forfait du type 20 euros. »

Une proposition de mariage du réseau à Orange
Sur la possible consolidation du secteur, le dirigeant de Free évoque lui-même un rapprochement avec Orange : « historiquement, nous avons toujours été proches de France Télécom. Nous sommes l'un de ses tout premiers clients », à la fois dans l'ADSL, pour le dégroupage, et dans le mobile, avec le contrat d'itinérance pour compléter sa couverture de la population (qui lui coûtera 1 milliard d'euros sur trois ans). « Je ne parle pas forcément d'un rapprochement capitalistique, mais d'autres choses intelligentes comme le rapprochement de nos réseaux pour améliorer la couverture du territoire » poursuit-il sans élaborer. Dans la 4G peut-être. Des rumeurs de partage de réseaux entre Bouygues et SFR ont également circulé ces dernières semaines. France Télécom a conclu plusieurs de ces accords, en Espagne, au Royaume-Uni et en Pologne.