Neutralité du Net : Fleur Pellerin veut une loi

Par Sandrine Cassini  |   |  648  mots
Fleur Pellerin Copyright Reuters
La ministre des PME et du Numérique insiste sur l'importance de la neutralité. Mais elle embrasse le discours des opérateurs qui veulent faire payer les géants du Net. La réalité des relations entre FAI et groupes américains est moins caricaturale qu'il n'y paraît.

Evidemment, Fleur Pellerin n'est pas contre « la neutralité du Net ». Mais la ministre des PME et du Numérique n'est pas non plus insensible à l'argumentaire des opérateurs télécoms. C'est la conclusion que l'on peut tirer de son intervention mardi soir au dîner du club parlementaire du numérique et de ses propos des rencontres de Pétrarques à Montpellier vendredi dernier, qui ont fait tant polémique sur la Toile au cours du week-end. Décryptage.

La liberté pour l'utilisateur

Ainsi, garantir l'accès à Internet est essentiel. « La neutralité du Net, c'est l'idée que les opérateurs doivent proposer un service de manière universelle et sans discrimination, à tous les citoyens, qu'ils consomment beaucoup de bande passante ou pas beaucoup, quels que soient les contenus qu'ils regardent », avait indiqué la ministre vendredi dernier, selon la retranscription des propos faite par le journaliste du "Monde" présent au débat, Jean Birnbaum. Se référant au rapport rédigé par les deux députéss férues de numérique, Laure de La Raudière (UMP) et Corinne Erhel (PS)], la ministre a même indiqué vendredi vouloir « proposer une loi ».

Pour Fleur Pellerin, Google et Facebook doivent payer

La neutralité du Net consiste également pour les fournisseurs d'accès à Internet à acheminer tous les contenus - textes, vidéos etc - sans discrimination vers l'utilisateur. Et sur ce point, la ministre a l'air moins d'accord. « J'émets une réserve : la neutralité du Net est un concept américain, qui a tendance à favoriser très considérablement les intérêts économiques de Google, Facebook, Apple et consorts. Donc je pense qu'il faut faire aussi un peu attention, lorsqu'on est sur du principe théorique, à ne pas non plus se tirer une balle dans le pied », a indiqué Fleur Pellerin. Plus précise mardi soir selon les témoins, la ministre a indiqué qu'elle souhaitait que ces fournisseurs de services paient pour l'acheminent des contenus, quitte à en passer par des « services gérés », autrement dit un acheminement spécifique adapté au fournisseur de contenus qui s'acquitterait de sa dîme.

Le lobbying des opérateurs

Ainsi, la ministre abonde-t-elle dans le sens des opérateurs télécoms. Selon une dialectique bien huilée, ces derniers ne cessent de se plaindre de supporter à eux seuls le coût du fort accroissement du trafic Internet, porté notamment par des formats comme la vidéo, sans rien gagner de plus. Pendant ce temps, arguent-ils, les géants du Net - Google, Facebook, Apple -s'enrichissent sur leur dos. Plus globalement, les opérateurs, qui ne sont jamais parvenus à se développer dans les services, ont peur de devenir de simples tuyaux, des fournisseurs de « commodity » (bien sans valeur ajoutée), et que cela finisse par les appauvrir. Ils connaîtraient alors le destin de l'industrie informatique. Les constructeurs informatiques, entrés dans le cercle vicieux de la guerre des prix, se sont ruinés, face à un Microsoft qui n'a cessé de croître, grâce à son juteux logiciel Windows, qui s'est accaparé toute la valeur de l'industrie.

Google paie déjà, les opérateurs traînent des pieds

Mais pour les opérateurs, la réalité est moins caricaturale qu'il n'y paraît. Ainsi, Google par exemple a développé son propre réseau de serveurs Content Delivery Network (CDN). L'objectif: permettre aux opérateurs de désengorger les réseaux, en stockant « en cache » (en mémoire) les contenus les plus consultés, et en les transportant au plus près de l'utilisateur final. De sources concordantes, le moteur de recherche a proposé aux opérateurs de se connecter à son réseau. En France, ces derniers, évoquant des « problèmes techniques », ont tous refusé. Or, à l'international, ce système a été mis en place. Visiblement, Orange n'a rien trouvé à y redire au Royaume-Uni par exemple.