Effet Free Mobile : 5 à 7.000 emplois menacés dans les centres d'appels

Par Delphine Cuny  |   |  726  mots
Copyright Reuters
Selon le syndicat professionnel des centres de contacts, le secteur, qui réalise 60 % de son chiffre d'affaires avec les opérateurs télécoms, pourrait pour la première fois supprimer des emplois dans les deux ans à venir du fait des bouleversements provoqués par l'arrivée du nouvel opérateur et de la "digitalisation" accélérée du métier.

Comment se portent les centres d?appels, neuf mois après l?arrivée de Free Mobile ? Le secteur, qui réalise 60 % de son chiffre d?affaires avec les opérateurs télécoms, devrait être encore en croissance en 2012, selon Laurent Uberti, le président du syndicat professionnel des centres de contacts (SP2C). Mais "2012 est une année de rupture et 2013 va être très compliquée, avec le contexte économique et la crise des télécoms depuis l?arrivée de Free. Il y aura une baisse des volumes de commandes des télécoms et probablement des fermetures de sites", a-t-il confié mercredi lors de la présentation du baromètre des centres de contacts externes réalisé par le cabinet BearingPoint.

Ce secteur, qui emploie environ 100.000 téléconseillers, situés à 61 % en France (le reste en "offshore" principalement au Maghreb), a généré 2,24 milliards d?euros de chiffre d?affaires en 2011, en croissance de 9,8 %. Cependant, le patron du syndicat de la profession, qui est également président de la société Acticall, redoute que "entre 5 et 7.000 emplois du secteur disparaissent dans les deux ans qui viennent". Ce serait une première pour ce secteur dynamique, qui cherche à corriger son image d?employeur aux petits jobs précaires : 84 % des contrats sont des CDI, 92 % sont à temps plein.
.
Essor du "self-care", du "digital" et des réseaux sociaux

"Le contexte économique risque de se traduire par une baisse de la consommation donc des appels. Et l?arrivée de Free Mobile est un accélérateur. Il a fait voler en éclat l?équilibre qu?on avait mis en place avec les opérateurs, qui sont d?importants donneurs d?ordre. Par un effet de domino, le secteur des centres de contacts sera peut-être un dégât collatéral de cette crise des télécoms", s?inquiète Laurent Uberti. Il s?emporte contre le discours du fondateur de Free, Xavier Niel, "qui prétend que le service client n?a pas de valeur, que tout est gratuit pour 19 euros. Non, le service a une valeur", martèle-t-il.

Pour autant, les professionnels de la relation client externalisée reconnaissent qu?il y a aussi des raisons structurelles liées à l?évolution du secteur : "la place du "digital" augmente, les clients gagnent en maturité et les process en efficacité, le "selfcare" (c?est-à-dire la résolution du problème par le client lui-même sur les forums, les foires aux questions etc) se développe : le marché de l?outsourcing connaît un véritable bouleversement et les acteurs vont devoir s?adapter", fait valoir le président de SP2C. Sous trois ans, la part de l?activité consacrée aux appels entrants devrait chuter de 84 % à 69 %, au profit des emails, de la modération de communautés ou de forums, des tchats, etc.

Rapatrier les centres d?appels coûterait 1 milliard d?euros !

Les difficultés conjoncturelles, en particulier dans les télécoms, vont-elle se traduire par plus de délocalisation ? La part de l?offshore est restée stable en 2011 à 23 % de l?ensemble de l?activité du secteur. Mais le syndicat n?exclut pas que la tendance s?accélère. D?ores et déjà, la téléphonie et l?Internet représentent 75 % du chiffre d?affaires réalisé hors de France par les centres d?appels. La rémunération brute mensuelle (primes comprises) des employés du secteur s?élève à 1.536 euros en France (un niveau proche de celui constaté dans les autres pays européens selon BearingPoint : 1.625 euros au Royaume-Uni, 1.400 euros en Italie et 1.350 euros en Allemagne), contre seulement 400 à 600 euros "offshore".

Autant dire que le secteur ne croit guère aux injonctions du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, sur la relocalisation des centres d?appels en France au début de l?été. Laurent Uberti explique "la tendance à l?offshorisation a commencé il y a dix-quinze ans et a explosé il y a six ans. Le calcul est simple : rapatrier aujourd?hui en France les centres d?appels, le temps de travail effectué offshore, coûterait entre 970 millions et 1 milliard d?euros. Qui paie pour cela ?" Le gouvernement, qui avait étudié les propositions des opérateurs de revenir à des formes de hotline payantes, semble d?ailleurs avoir abandonné cette piste?