Free Mobile briderait sa 3G ? L'enquête s'accélère

Par Delphine Cuny  |   |  709  mots
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A la suite de la plainte de l'UFC Que Choisir pour « pratiques commerciales trompeuses » sur la qualité de la 3G, la DGCCRF a perquisitionné le siège de la maison-mère, Iliad. Free laisse entendre que si le service était si mauvais, les clients seraient partis.

UFC-Que Choisir contre Free Mobile, Acte II. Près de cinq mois après le dépôt de la plainte de l'association de défense des consommateurs contre le quatrième opérateur mobile pour « pratiques commerciales trompeuses », à savoir un débit qui ne soit pas à la hauteur des promesses, l'enquête est entrée dans une phase plus active. La DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a en effet procédé à une perquisition (une « visite domiciliaire ») la semaine dernière, au siège d'Iliad, la maison-mère de Free, rue de la Ville-L'Evêque, dans le VIIIe arrondissement de Paris.

Une dizaine d'agents des services de Bercy et d'officiers de police judiciaire sont venus saisir des documents, papier et numériques, dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet de Paris, à la suite de la plainte déposée le 16 janvier au tribunal de grande instance. « L'enquête ne fait suite à aucune plainte d'opérateur concurrent. Elle porte sur le bridage de Free Mobile, pas du tout sur le forfait à 2 euros », réfute formellement une source proche du dossier. Le site Univers Freebox, qui avait révélé cette perquisition, croyait savoir que l'objet de cette visite était cet abonnement au prix ramené à zéro pour les abonnés ADSL de Free.

Des problèmes qui n'ont pas empêché Free de recruter des abonnés
A l'issue d'un audit mené en novembre et décembre par un expert indépendant mais tenu anonyme, l'UFC Que Choisir avait dressé un tableau catastrophique de la qualité de la 3G de Free Mobile en janvier. L'association lui reproche alors de « ne pas respecter son contrat avec les consommateurs », dénonçant « des incidents de réseau majeurs », « un fonctionnement de réseau anormal » et des « taux de non qualité stupéfiants. »

Applications impossibles à télécharger, vidéos n'ayant pas démarré au bout d'une minute, etc : les résultats étaient particulièrement mauvais en situation d'itinérance sur le réseau d'Orange. Free avait fustigé cette enquête « partielle et partiale, opaque », accusant non sans ironie l'UFC de faire « de la publicité trompeuse sur la qualité et la pertinence de son étude ! » L'opérateur relève que « de nombreuses études, notamment celle de l'Arcep, ne nous classe pas trop mal en qualité de service, juste en dessous du troisième opérateur, voire au-dessus dans certains domaines. Et si ça ne marchait pas, on le saurait ! »

Or force est de constater que Free Mobile a continué à recruter de nombreux clients (+870.000 au premier trimestre, soit 6,1 millions), dont on ne peut penser qu'ils se satisfassent d'un aussi piètre service, s'agissant d'une offre sans engagement.

L'UFC déjà fait condamner Free pour bridage de l'Internet fixe
Chez Free, « on n'a pas l'impression d'avoir massivement porté atteinte aux intérêts des consommateurs ces derniers mois. » L'opérateur, qui s'est fait le champion du pouvoir d'achat et du consommateur malin, traitant les clients des concurrents de « pigeons », n'est évidemment pas très à l'aise de se retrouver pointé du doigt sur ce terrain. Il se montre d'ailleurs ouvert au dialogue et prêt à prendre des engagements à l'égard de la DGCCRF, qui décidera si elle donne des suites à l'enquête. Cette dernière est « une enquête parmi d'autres, une suite logique de la plainte », et n'aurait pas été demandée par Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, selon un haut fonctionnaire à Bercy, qui rappelle que la DGCCRF est sous l'autorité de Pierre Moscovici et Benoît Hamon.

Le différend entre Free et l'UFC remonte à plusieurs années déjà. L'association avait fait condamner Free en février 2012 pour pratiques commerciales trompeuses dans une autre affaire de limitation du débit, dans l'Internet fixe (abonnés non dégroupés), sur des faits remontant à 2006-2007 : Free avait alors écopé d'une amende de 100.000 euros et de 40.000 euros de dommages et intérêts à payer à l'association. L'affaire doit d'ailleurs bientôt passer en appel. L'UFC avait aussi saisi l'Arcep, le régulateur des télécoms, sur la lenteur de YouTube pour les abonnés ADSL de Free : l'enquête administrative de l'autorité serait toujours en cours...