Affaire Tapie : qui est l'insaisissable Stéphane Richard ?

Par Mounia Van De Casteele  |   |  1067  mots
Copyright Reuters
Le patron d'Orange doit être entendu ce lundi matin à Paris par la brigade financière. Il était en effet directeur de cabinet du ministre de l'Economie, Christine Lagarde, au moment de l'arbitrage privé prononcé dans l'affaire Tapie-Adidas. L'occasion de dresser le portrait de ce richissime patron de 52 ans qui manoeuvre aussi bien dans les hautes sphères de l'administration que dans le monde de l'entreprise.

L'étau se resserre. L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy doit être entendu ce lundi dans le cadre de l'affaire Tapie-Adidas par la brigade financière. Stéphane Richard sera entendu par les trois juges d'instruction du pôle financier saisis du dossier qui tentent de savoir si oui ou non l'arbitrage privé décidé en 2008 en faveur de Bernard Tapie émanait d'un ordre élyséen. Au fil de déclarations officielles et officieuses, l'actuel patron d'Orange a livré plusieurs versions des faits.

Le rappel des faits

Stéphane Richard a en effet assuré mardi 4 juin à l'AFP que l'Elysée n'avait pas fait pression - ne donnant "ni ordre ni instruction" - quant à la décision de recourir à l'arbitrage privé dans le litige opposant à l'époque le Crédit Lyonnais et Bernard Tapie au sujet de la vente d'Adidas. Quelques heures plus tard, le Canard Enchaîné propose une hypothèse sensiblement différente.

Selon le journal satirique, Stéphane Richard aurait affirmé que le recours à cet arbitrage privé était bel et bien un ordre de Claude Guéant, alors secrétaire général de l'Elysee. "En juillet 2007, Jean-François Rocchi, président du CDR, et moi avons été convoqués par Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée. Il nous a donné pour instruction de recourir à un arbitrage. Le choix de l'exécutif était parfaitement clair", précise l'hebdomadaire. Mais Stéphane Richard tient à avoir le dernier mot et contacte à nouveau l'AFP afin de démentir la version proposée par le Canard Enchaîné. 

Une mise en examen, qu'Arnaud Montebourg a jugée selon le Monde incompatible avec sa fonction de président d'Orange, (déclaration démentie par le ministre du Redressement productif), constituerait pour cet atypique grand patron à un tournant dans une carrière déjà mouvementée.

Retour sur l'histoire de ce désormais richissime quinquagénaire qui manoeuvre aussi bien dans les hautes sphères de l'administration que dans le monde de l'entreprise. 
 

Donc, Stéphane Richard ...

...a tout du surdoué
Il obtient la mention "Très bien" au Baccalauréat. Ce petit-fils d'un berger des Cévennes, fils d'un ingénieur des Mines, fait ses classes à HEC et à l'ENA, d'où il sort - "seulement" cinquième. Il est donc inspecteur des Finances. Stéphane Richard est également musicien. Il a d'ailleurs reçu le "Premier prix du conservatoire" pour piano.

...a des amitiés politiques variées
Stéphane Richard a l'art de s'adapter. Le patron d'Orange ne semble d'ailleurs pas être marqué d'une sensibilité politique clairement définie. Certes, son étiquette d'ami de Nicolas Sarkozy lui colle à la peau. Mais il assure entretenir de bonnes relations avec François Hollande. Il a été membre du cabinet de Dominique Strauss-Kahn au ministère de l'industrie. Et il vouerait une certaine admiration à François Mitterrand depuis le lycée.

...saute bien en parachute
Stéphane Richard est arrivé chez France Télécom après avoir occupé des postes de direction chez Veolia et Nexity. Mais, surtout, après avoir été à Bercy directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, puis de l'actuelle directrice générale du FMI entre 2007 et 2009. Il a donc dû obtenir le feu vert de la commission de déontologie avant de rejoindre le groupe France Télécom, dont l'Etat détient 26,7%.

...est fort riche
Stéphane Richard a suffisamment d'argent pour voir venir. Le patron d'Orange en convient et explique qu'il "travaille pour le plaisir". Il peut en remercier Jean-Marie Messier. Celui-ci, alors patron de la Générale des Eaux, future Vivendi, lui confie le redressement d'une partie de son pôle immobilier. Au terme de plusieurs opérations de restructurations et de fusions, qui donneront finalement naissance à Nexity, Stéphane Richard, qui aurait misé à titre personnel 810.000 euros, soritra avec une colossale plus-value. Au passage, il se fait épingler par le fisc qui lui vaudra un redressement estimé à 660.000 euros mais lui laissera une fortune personnelle de plusieurs dizaines de millions d'euros.

...sait s'adapter (1)
Stéphane Richard a touché 1,5 million d'euros en 2011 en tant que directeur général de France Télécom. Mais en avril, il s'est dit prêt à diminuer son salaire d'un tiers pour que son entreprise échappe à la taxe de 75% sur les revenus de plus d'un million d'euros.

...est un pacificateur
L'arrivée de Stéphane Richard à Orange, secoué par une très médiatisée crise de suicides, a provoqué un indéniable "apaisement". "Nous sommes revenus à un fonctionnement à peu près normal, concédait Sébastien Crozier, délégué du syndicat CFE-CGC, au Parisien le 7 mai dernier. "Le nombre de jours de congés maladie a considérablement baissé, par exemple". L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde a stoppé les fermetures d'agences en province, les mobilités forcées ainsi que les suppressions d'emplois systématiques. 

...sait s'adapter (2)

Certains l'accusent de ne rien connaître aux télécoms. Stéphane Richard assure pourtant s'y intéresser. Orange n'était pas le premier choix de Stéphane Richard, qui souhaitait prendre les rênes d'EDF. Mais, au dernier moment, sa nomination a été suspendue, le contraignant à se rabattre sur l'entreprise de télécommunications.

...peut faire des grosses gaffes
L'affaire de la "mamie du Cantal" avait bien failli faire basculer la cote de popularité de Stéphane Richard. Quelques jours avant l'arrivée de Free sur le marché du mobile en janvier 2012, Stéphane Richard avait en effet tenté de rassurer ses actionnaires quelque peu maladroitement. "Nous avons tout un arsenal de ripostes commerciales prêtes pour répondre très rapidement aux offres de Free. Bien sûr, c'est une évidence, nous pourrons jouer sur les prix en fonction de ce que Free fera. Mais tout ne se résume pas à un prix! La mamie du Cantal n'a pas besoin de la même offre qu'un geek à Paris. Free ne va pas rafler tous les clients avec une offre unique", avait-il déclaré dans les colonnes du Figaro.

Le mécontentement des mamies du Cantal l'avait obligé à réparer sa gaffe en se rendant le 13 février 2012 dans le département du centre de la France, saisissant l'occasion de découvrir le projet de formation technique autour de la fibre optique en développement.

>>  Pour aller plus loin: Bernard Tapie et l'affaire Adidas : 20 ans de rebondissements