Guerre des prix sur la 4G : le gouvernement veut que le régulateur des télécoms intervienne

Par latribune.fr  |   |  1091  mots
Le gouvernement hausse le ton face à la guerre des prix dans les télécoms. La ministre des PME de l'innovation et de l'économie numérique veut que l'Arcep, le gendarme des télécoms, retrouve son pouvoir de sanctions pour réguler la compétition entre les quatre opérateurs dans la 4G et qui menace de s'étendre à l'internet fixe. Le risque est clair : que la bataille fasse un "mort" au détriment de l'emploi.

La ministre à l'Innovation Fleur Pellerin veut "remettre de l'ordre" dans la téléphonie mobile, en redonnant un pouvoir de sanctions à l'autorité du secteur, au moment où ce secteur est en proie à une intense guerre de prix et le théâtre d'invectives entre opérateurs.

Dans une interview dimanche au journal Le Parisien, la ministre juge nécessaire de "remettre de l'ordre dans ce secteur" et qu'il faut rendre à l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) le pouvoir de sanctions, qui lui avait été enlevé en juillet à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel.

"Nous allons corriger cette situation début 2014 par voie d'ordonnance. Nous allons rendre son bâton au gendarme des télécoms", annonce Fleur Pellerin. La ministre avertit notamment que "si les engagements de couverture ne sont pas respectés, des sanctions dissuasives (astreintes financières, suspensions de licences, etc) seront prises".

A propos des déclarations des différents opérateurs ces derniers jours par médias interposés, Mme Pellerin a estimé que ces "invectives relèvent de la cour de récréation et (elle n'est) pas leur surveillante en chef". Elle déclare également que début 2014 un arrêté régulant la publicité pour mobiles sera mis en place par son ministère et le ministre de la Consommation Benoit Hamon.

"Comme pour la publicité des opérateurs sur le très haut débit, il imposera aux opérateurs de communiquer non plus sur des débits maximum théoriques mais sur des fourchettes de débit effectif", explique Mme Pellerin.

Interrogée sur la viabilité du fait d'avoir quatre opérateurs 4G en France, la ministre indique que le gouvernement doit aujourd'hui "assumer les conséquences de décisions prises par d'autres" et qu'il ne "peut pas décider d'un claquement de doigt d'en supprimer un".

"S'il y a des rapprochements, l'Autorité de la concurrence se prononcera. Nous n'en sommes pas là", conclut toutefois Fleur Pellerin.

Contagion de la guerre des prix à l'internet fixe

Tout cela intervient alors que la polémique ne faiblit pas. La guerre des prix sur la téléphonie mobile 4G qui a animé le marché des télécoms depuis dix jours pourrait maintenant s'étendre aux offres fixes des opérateurs, jusqu'ici relativement épargnées, faisant craindre une mise en danger de l'investissement et de l'emploi dans le secteur.

Le patron d'Iliad, Xavier Niel, qui a déclenché dès le début 2012 une première guerre des prix du mobile en proposant à son arrivée sur le marché des tarifs particulièrement bas pour la téléphonie mobile 2G et 3G, a relancé les hostilités début décembre en proposant la 4G au prix de la 3G, obligeant ses concurrents à lui emboîter le pas.

Cela a notamment été un rude coup pour Bouygues Telecom qui a fortement investi pour bénéficier au mieux de l'autorisation qui lui a été donnée de pouvoir utiliser pour la 4G la fréquence 1.800 MHz pour laquelle il possédait déjà une infrastructure. Cela lui a permis d'ouvrir commercialement son réseau avec un avantage concurrentiel en termes de couverture de la population.

La riposte du PDG du groupe Bouygues, Martin Bouygues, a donc été sanglante. Il a indiqué jeudi au quotidien le Figaro qu'il allait "déclarer la guerre dans l'internet fixe" en cassant les prix pour réduire les marges de son concurrent Xavier Niel.

"Dans l'Internet fixe, la fête est finie. Nous allons faire faire 150 euros d'économie par an aux abonnés du fixe qui choisiront ce service, ce qui fait une économie de 12,5 euros par mois. Qui dit mieux? Que Xavier Niel fasse la même chose s'il en est capable!" a déclaré M. Bouygues.

Bouygues Telecom "ne dispose pas d'une part de marché très importante sur le fixe aujourd'hui", rappelle Adrien Bourreau, expert dans le secteur télécom chez Kurt Salmon. "C'est le Petit Poucet sur le fixe, et c'est pour cette raison qu'il peut se permettre de menacer de casser les prix", estime-t-il.

Surenchère inquiétante

"Cette déclaration est une très mauvaise nouvelle pour tous les acteurs car les prix du fixe se tenaient relativement bien jusqu'à présent", assure pour sa part un analyste parisien souhaitant conserver l'anonymat. "Si Bouygues casse les prix sur le fixe, cela aura un impact sur les autres", affirme-t-il ajoutant que même si la marque Iliad est "très puissante", "c'est sûr qu'ils perdront des clients".

Les opérateurs traditionnels sont cependant "relativement bien armés par rapport à Free pour se protéger sur le fixe", alors que c'est le "talon d'Achille" du quatrième opérateur, Bouygues, assure cependant Thibaut de Smedt, directeur associé dans la banque d'affaires Bryan, Garnier&Co, qui se demande si Free ne va pas "être pris à son propre piège".

En effet, ce sont les confortables marges de 40% que Free fait dans le fixe - où il a néanmoins contribué à faire baisser les prix des offres combinées internet-téléphonie-télévision avec sa propre box- qui lui permettent de casser ainsi les prix dans le mobile, selon les analystes. Le titre d'Iliad a d'ailleurs plongé vendredi à la Bourse de Paris. Il a cloturé en baisse de 10,37% à 149,6 euros, dans un marché en hausse de 0,40%.

La surenchère à laquelle se livrent les opérateurs inquiète aussi le gouvernement comme le patronat qui se demandent quelles conséquences elle aura sur l'investissement à l'heure où le pays s'équipe en fibre optique, mais aussi sur l'emploi.

Montebourg prédit "la mort" d'un des quatre opérateurs français

Le président du Medef Pierre Gattaz a ainsi appelé vendredi les opérateurs à la prudence dans la guerre des prix qu'ils se livrent pour éviter "encore du chômage supplémentaire".

Les propos du président du Medef font écho aux déclarations du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, qui a mis en garde cette semaine contre "une guerre des prix ravageuse" susceptible de provoquer "la mort" d'un des quatre opérateurs français.

Pour M. De Smedt, cette conclusion semble inéluctable. "Ce qui est clair c'est qu'il y a un opérateur de trop. Il y a un jeu de concentration qui va par la force des choses s'opérer en France". Cependant, "rien n'est écarté", cela pourra se faire "par des jeux de mutualisation de réseau ou par des opérations plus capitalistiques", souligne-t-il.