Redevance sur les smartphones d'occasion : les députés veulent ménager la chèvre et le choux

Par latribune.fr  |   |  635  mots
(Crédits : Regis Duvignau)
Les smartphones d'occasion seraient bien taxés, mais à un taux différent, tandis que les entreprises du secteur social et solidaire spécialisées dans ce reconditionnement seraient exemptées de la taxe. Cette question génère depuis plusieurs semaines la controverse entre le monde de la culture, qui bénéficie de cette redevance et souhaite son extension, et les entreprises du secteur qui craignent pour leur modèle économique.

L'Assemblée nationale parviendra-t-elle à ménager la chèvre et le chou ? C'est du moins ce qu'espèrent les députés qui débattaient jeudi de la redevance sur les smartphones d'occasion, sujet délicat qui touche à des intérêts divergents.

Les échanges ont donné lieu à un compromis qui prévoit que ces téléphones d'occasion seront soumis à cette "rémunération pour copie privée" (RCP), mais à un taux "spécifique et différencié" - tenant compte notamment de leur ancienneté par rapport au neuf. Les entreprises du secteur social et solidaire spécialisées dans ce reconditionnement en seront quant à elles exemptées, un point sensible pour de nombreux députés.

Contexte : une loi pour réduire l'empreinte environnementale du numérique

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, s'est félicitée d'une "solution gagnant-gagnant" pour les artistes et la filière économique. Les députés étaient réunis hier soir au Palais Bourbon pour débattre de cette possible exonération dans le cadre de la proposition de loi visant à « réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ». Cette loi provient du Sénat où elle a fait l'objet d'un large assentiment transpartisan.

Plusieurs sénateurs, dont le rapporteur du texte Guillaume Chevrollier, ont publié jeudi dans le JDD une tribune réclamant avec vigueur l'exonération de cette redevance pour les appareils de seconde main, laissant augurer de nouveaux débats sur ce point en deuxième lecture à la chambre haute.

La proposition de loi comprend de nombreuses mesures visant en particulier à soutenir le recyclage et le réemploi des appareils numériques (smartphones, ordinateurs, tablettes etc.) pour réduire leur impact sur l'environnement.

Un danger pour l'industrie du reconditionnement

Mais c'est la perspective d'étendre la redevance aux appareils reconditionnés qui fait depuis plusieurs semaines polémique au sein de cette loi. Jusqu'à présent, seuls les appareils neufs sont taxés, ce qui permet de rémunérer les artistes et le monde de la création pour la copie privée de leurs œuvres. Or, l'article 14 de la loi prévoit à la fois d'étendre cette redevance aux appareils reconditionnés et d'aménager leur taux de TVA, qui passera de 20 % à 5,5 %.

Une perspective qui jette un froid dans l'industrie. Les entreprises spécialisées dans la vente d'appareil reconditionnés, comme Back Market, estiment en effet que cette redevance, si elle était pérennisée dans la loi, pourrait casser le dynamisme de cette filière fortement créatrice d'emplois, notamment dans l'économie solidaire.

Cette redevance risque de peser sur un "secteur qui fait assez peu de marge", dénonçait en mai dernier auprès de l'AFP Vianney Vaute, cofondateur de Back Market.

"Derrière la dynamique de tout le secteur, qui est réelle, c'est fou d'aller mettre en péril une filière française, locale, d'économie circulaire", ajoutait-il. Selon Back Market, cette taxe pourrait représenter une quinzaine d'euros pour un smartphone d'une capacité de 64 GB.

Le secteur du reconditionnement a représenté 15% des ventes de téléphones en France en 2020.

Colère dans le monde de la culture

D'un autre côté, la perspective de voir la loi exonérer les téléphones portables reconditionnés de cette redevance avait provoqué un tollé dans le monde culturel, qui y a vu une brèche dans un dispositif important de soutien aux artistes.

La RCP, créée en 1985, a en effet généré 273 millions d'euros - l'équivalent de 7% du budget du ministère de la Culture - en 2020 au profit des ayants droit et de projets culturels comme les festivals.

Reste à voir si le compromis trouvé par les députés jeudi soir suffira à contenter les deux parties.

(avec AFP)