Les libertés ne cessent d'être menacées dans l'Empire du Milieu. Au nom de la sécurité des quelque 1,4 milliard d'habitants de la Chine, le gouvernement a collecté des informations biométriques sur des millions de personnes qui représenteraient "une potentielle menace". Des travailleurs, des migrants, des étudiants et des dissidents seraient concernés par cette collecte massive, a rapporté l'organisation non-gouvernementale (ONG) Human Rights Watch dans un document publié ce lundi 15 mai.
40 millions de personnes concernées
Le ministère de l'Intérieur chinois, qui supervise la base de données, a récolté des informations sur plus de 40 millions de personnes souligne le site Quartz. Les autorités ont affirmé que ce serait "la plus grande base de données contenant des informations ADN au monde". A titre de comparaison, la base de données du FBI comporte des informations génétiques sur 12,7 millions de personnes. Sophie Richardson, directrice de recherches sur la Chine, auprès de la division Asie de Human Rights Watch a déclaré que :
"La collecte massive d'ADN par la puissante police chinoise et l'absence de protection efficace des données personnelles ou de l'existence d'un système judiciaire indépendant est une porte ouverte à tous les abus. [...] La Chine est en train de se transformer en système orwellien au niveau génétique."
Des témoignages alarmants
Les individus qui ont eu l'obligation de fournir leur empreinte génétique aux forces de l'ordre ont relaté leur expérience sur des réseaux sociaux très populaires comme Weibo ou Zhihu. Dans leur description, les internautes racontent comment les officiers de police viennent à leur domicile, dans les écoles ou sur leur lieu de travail pour collecter les échantillons de sang.
Selon le profils consultés par l'ONG, les témoins expliquent "qu'aucun des policiers n'a présenté de mandat d'autorisation ou a prévenu les citoyens de leur visite". Plusieurs internautes rapportent qu'ils ont été parfois forcés par les autorités,"qu'ils ne voulaient pas que leur empreinte génétique soit prélevée" ou étaient "bouleversés" par les informations qu'on leur demandait. Dans un post de blog relevé par l'organisation de défense des droits civiques, une personne contrainte par les forces de l'ordre à Zhongshan dans la province du Guangdong après un simple contrôle routier se demandait :
"Pourquoi suis-je traité ainsi ? Je ne suis pas un criminel, mais [ce type de demande] est pire que pour un criminel. Je me sens vraiment bouleversé. J'ai peur de ce qu'ils vont faire avec mon prélèvement."
Des catégories floues
Pour alimenter leur base, les autorités ont publié des documents apportant des précisions sur les populations ciblées. Mais les catégories évoquées demeurent relativement floues comme le souligne Human Rights Watch. Il y a par exemple la catégorie fourre-tout intitulée "focus personnel" qui fait référence selon l'administration à des personnes représentant de "potentielles menaces" telles que des dissidents, des activistes, des pétitionnaires, et des personnes avec un passé criminel. Il y a également la catégorie des migrants qui n'ont pas de permis de résidence ou ne sont pas en règle avec la législation.
Une base de données avec "des citoyens ordinaires"
Des cas documentés et des témoignages ont étayé la thèse que la construction de cette base de données géante ne servait pas seulement à résoudre des enquêtes criminelles contrairement à ce qu'affirme le gouvernement chinois. "La police a conduit des campagnes pour collecter des données biométriques de citoyens ordinaires simplement parce qu'ils rassemblaient 'des informations basiques'" rappelle HWR. Outre les peurs suscitées par cet outil, il semble donc que cette immense base de données serve à contrôler et à surveiller une partie de la population chinoise.
>>Pour aller plus loin, lire l'opinion d'Isabelle Renard, avocat au barreau de Paris : Biométrie : attention, danger pour les libertés individuelles !