Banque de France : 150 économistes, dont Piketty, contestent le choix de Hollande

Par latribune.fr  |   |  543  mots
"A l’expertise indépendante ou à la promotion interne, François Hollande a préféré l’ancien banquier, énarque et inspecteur des finances", déplore le collectif d'économistes, signataires de la tribune dans Le Monde.
Alors que l’Élysée a officialisé le 8 septembre la nomination de François Villeroy de Galhau à la présidence de la Banque de France, un collectif d'économistes et d'universitaires signent une tribune dans "Le Monde" pour dénoncer un grave conflit d'intérêts, et l"'effet délétère d'une telle décision sur notre démocratie".

Le successeur de Christian Noyer ne fait pas l'unanimité. Près de 150 économistes et universitaires contestent ainsi la nomination de l'ancien directeur général délégué de la BNP Paribas à la tête de la Banque de France. Parmi les signataires, des économistes particulièrement réputés comme Thomas Piketty, Michel Aglietta, ou encore Dominique Meda.

Dans une tribune publiée ce mardi dans le journal du soir -à l'initiative des économistes Jézabel Couppey-Soubeyran, Laurence Scialom et Anne-Laure Delatte- les signataires expliquent que, en dépit de "l'expérience de François Villeroy de Galhau" qui "lui confère à n'en pas douter une excellente expertise du secteur bancaire", sa nomination à la tête de la Banque de France "l'expose à un grave problème de conflit d'intérêts et met à mal son indépendance".

Conflit d'intérêts, mélange des genres

Les signataires estiment que la carrière de Villeroy de Galhau porte atteinte à sa capacité d'exercer cette prestigieuse fonction :

"Etant donné les enjeux de pouvoir et d'argent qu'il véhicule, le secteur bancaire est particulièrement propice aux conflits d'intérêts. Il est totalement illusoire d'affirmer qu'on peut avoir servi l'industrie bancaire puis, quelques mois plus tard, en assurer le contrôle avec impartialité et en toute indépendance".

Les économistes déplorent le choix du président de la République qui avait pourtant l'opportunité "de promouvoir, au sein de la Banque de France, une candidature interne bien moins exposée au risque de conflit d'intérêts et apportant les meilleurs gages de compétence et d'expérience".

Benoît Coeuré, préféré par les économistes du collectif

S'ils ne le citent pas nommément, les signataires du collectif font directement allusion à la candidature de Benoît Coeuré, actuel membre du directoire de la BCE, un temps pressenti pour succéder à Christian Noyer :

"Parmi les candidats externes souvent évoqués, un économiste français, ancien de la direction générale du Trésor, actuel membre du directoire de la BCE, présentait aussi les gages d'expertise comme d'indépendance vis-à-vis des pressions politiques et de celles du lobby bancaire, avec en outre à son actif un curriculum académique qui, à peu près partout ailleurs qu'en France, aurait constitué un atout pour recruter un banquier central", détaille cette tribune, extrêmement critique vis-à-vis de cette nomination issue "du sérail de la haute administration".

"L'entre-soi", poison de la démocratie

Enfin, ils déplorent le choix de Hollande d'avoir préféré l'ex-banquier et s'inquiètent des effets délétères d'une telle nomination sur la démocratie :

"Nos gouvernants sont-ils à ce point prisonniers des intérêts financiers qu'ils laissent à la finance le pouvoir de nommer les siens aux fonctions-clés des instances censées la réguler ? Sont-ils à ce point dans l'entre-soi qu'ils ne réalisent pas l'effet délétère d'une telle décision sur notre démocratie ? Sont-ils à ce point déconnectés de leurs concitoyens qu'ils ne mesurent pas la défiance à l'égard des institutions qu'une telle décision vient nourrir ?"

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| Pour en savoir plus, lire aussi : François Hollande à la Banque de France (par Romaric Godin, le 09 septembre 2015)