Pourquoi investir dans des actions d'entreprises

Par L'investisseur Français  |   |  1360  mots
Le néophyte en matière de marchés financiers ne peut qu'être dans l'expectative face à toutes les propositions commerciales qui lui sont offertes pour placer son épargne. Raison pour laquelle il a tout intérêt à prendre les choses en main à l'instar de Cécile, membre du club de L'Investisseur Français (*), qui tient un instructif journal d'investisseuse qu'elle fera partager régulièrement aux lecteurs de La Tribune.

Dans ma précédente contribution, je prenais résolument parti pour l'investissement dans un portefeuille d'actions (et/ou d'obligations d'ailleurs), détenues en direct et gérées sans passer par un intermédiaire, c'est-à-dire par vous.

Mon premier argument en faveur de ce mode d'investissement est qu'il ne me semble pas plus compliqué de sélectionner des actions et des obligations que de sélectionner des fonds. Au contraire, les produits étant plus simples, le choix est aussi plus simple.

Indices de Référence

Aujourd'hui, je voudrais aborder (de front) l'argument massue asséné chaque fois que ce mode d'investissement est évoqué : gérer un portefeuille financier soi-même ne fait plus sens aujourd'hui car "toutes les études" montrent que les particuliers font moins bien que les indices de référence.

D'abord, "les études" montrent que les gestionnaires professionnels ne font pas nécessairement mieux. 50% battent les indices, 50% font moins bien, mais ce ne sont pas toujours les mêmes et bonne chance pour deviner qui sera le gagnant de la prochaine course à l'échalote (je ne dis pas qu'il n'y a pas de bons gérants) ; il y a de très bons gérants, mais ils font face à une série de contraintes qui rendent leur tâche de plus en plus compliquée au fur et à mesure de leur succès.

Et ensuite, objectivement, qu'est-ce qu'on s'en fiche, des indices ? Lorsque je plante des légumes dans mon potager, est-ce que je me soucie de connaître le rendement moyen à l'hectare de Bonduelle ? Naturellement non. Mon objectif est de récolter suffisamment de haricots pour me rassasier l'été et pouvoir en mettre une proportion en saumure pour l'hiver.

Et quel est l'objectif de l'investisseur individuel ? Revenons à la définition de Benjamin Graham :

Un investissement est une opération qui, après analyse sérieuse, garantit la sécurité du capital et un rendement adéquat.

Donc si à la fin de la saison potagère je n'ai pas perdu mon stock de graines de haricots et que j'en ai récolté suffisamment (et c'est à moi de définir ce "suffisamment"), c'est bon. Ce que fait "le marché" importe peu ! Je ne suis en compétition avec personne.

Démarche Individuelle

On va me dire que ce raisonnement est complètement absurde et qu'il faut aimer se compliquer la vie pour choisir de passer du temps à analyser des entreprises alors que l'on peut, aujourd'hui, obtenir un résultat tout à fait adéquat en faisant des investissements programmés sur un ou des ETFs.

Je réponds que l'histoire financière regorge de catastrophes survenues à la suite d'un engouement trop fort pour des solutions qui paraissent de prime abord simples et sans douleur. Nous n'y sommes pas encore dans le cas des ETFs, qui ne sont pas les véhicules d'investissement majoritaires, mais ils ont un poids de plus en plus important et ils influencent de plus en plus les marchés.

On commence d'ailleurs à entendre et lire des critiques ici et là (cf. le commentaire de Carl Icahn et la lettre de Bill Ackman).

Ensuite, comme déjà dit, gérer en direct, c'est savoir dans quoi on investit, et choisir ce dans quoi on investit, selon des critères objectifs et quantifiés. Cette connaissance est le meilleur rempart contre l'un des deux grands ennemis de l'investisseur : la panique (comme Nolwenn le décrivait dans son article).

Nous connaissons tous la caricature du particulier qui arrive en Bourse juste avant que la bulle n'éclate (il achète cher) parce qu'il n'en peut plus d'entendre son voisin lui parler de ses profits mirifiques en Bourse. Puis la bulle éclate, il est terrorisé de voir son capital fondre sur le papier, il tient un moment, puis il vend au plus mauvais moment (très bon marché) au prix d'une perte importante, et jure qu'il ne mettra plus les pieds en Bourse.

Je propose une autre approche. D'abord se former, choisir une méthode d'investissement, définir ses objectifs, et ensuite y aller, au moment où le monde entier dit qu'il ne faut pas y aller. Tiens, ça tombe bien, nous sommes justement dans ce genre de période !

Battu(e) d'avance ?

Deuxième objection à l'investissement en direct à laquelle j'aimerais tordre le cou aujourd'hui : "Vous avez en face de vous une armée de types très intelligents (l'industrie financière recrute les ingénieurs les plus brillants) et une tapée d'algorithmes face auxquels vous n'avez aucune chance avec votre petit cerveau."

C'est l'histoire du marché qui est un jeu à sommes nulles (dans chaque échange, il y a un gagnant et un perdant), de David contre Goliath.

On oublie que tous les intervenants sur les marchés ne jouent pas dans le même jeu. L'écrasante majorité des échanges vise un profit à court terme. Short term is very competitive, long term is less competitive.

Donc, la première chose à faire pour faire basculer les chances en votre faveur, c'est de jouer là où il y a moins de compétition. Donc à long terme. Et de toute façon, dans une stratégie patrimoniale, on n'a que faire des profits à court terme. On investit pour dans dix, vingt, trente ans !

Ensuite, les dynamiques de marché sont souvent déconnectées de la réalité spécifique de chaque entreprise (les conditions de marché actuelles en sont une éclatante démonstration). Chaque fois qu'un professionnel de la finance vient se présenter dans le Club de l'IF, il nous dit qu'il passe ses journées à surveiller une tonne d'indicateurs macro-économiques, qui vont définir les mouvements du jour.

Et dans les mouvements, on ne fait pas dans le détail - tout un secteur monte ou descend, sans discrimination. Ou tous les secteurs montent ou descendent !

On voit bien que cette dynamique crée des opportunités pour les individus qui ont le temps et l'envie de décortiquer les documents financiers des entreprises pour comprendre si leur valorisation boursière est cohérente avec leur situation financière, économique, compétitive, et qui sont prêts à tirer parti des éventuelles incohérences. Je crois que plus on nous dit que les marchés sont efficients et que toute l'information disponible sur une entreprise est intégrée à son cours de Bourse, moins c'est vrai.

Choisissez donc des entreprises qui vous intéressent, étudiez-les, efforcez-vous de comprendre comment elles gagnent leur vie (souvenez-vous de l'article de l'IF Analyse 101), faites en sorte d'en acheter des parts à un prix raisonnable, et ensuite laissez-les travailler.

Inévitable Volatilité

Troisième objection : "les marchés sont de plus en plus volatiles et il faut avoir le cœur bien accroché".

Là, franchement, c'est vrai. Et la réponse est toujours la même : la connaissance. Il faut apprendre à faire la distinction entre les fluctuations du marché et la réalité concrète de l'entreprise dont on est actionnaire.

Dans le jargon des investisseurs dans la valeur (notion que je m'emploierai à expliquer de mon mieux au prochain épisode), on appelle ça la différence entre le prix et la valeur. Le cours de Bourse, c'est le prix. Lorsqu'on étudie une entreprise, on s'efforce de lui attribuer une valeur. Lorsqu'on voit que ce qui fluctue, c'est le prix, mais que la valeur reste identique voire continue à augmenter, il est bien plus simple de se détacher des fluctuations du cours de Bourse.

C'est l'objectif à atteindre pour investir dans la sérénité.

D'autre part, la volatilité peut être un facteur de stress, mais c'est grâce à elle que l'on a régulièrement l'occasion d'acquérir des titres d'entreprises à des prix intéressants. Rien n'empêche, donc, de considérer la volatilité comme l'amie de l'investisseur individuel...

Voilà pour mes réponses à "pourquoi" il peut être intéressant de gérer soi-même ses économies, et de les investir sur les marchés financiers, ce que j'ai choisi de faire. La prochaine fois, je commencerai à expliquer "comment" j'ai choisi de le faire.

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.