Le scandale de ces ménages aisés logés en HLM

Par Sophie Sanchez  |   |  998  mots
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En France, 53.000 familles disposant d'au moins 11.200 euros par mois avec un enfant et d'au moins 13.500 euros par mois avec deux enfants occupent un logement HLM. Un scandale dénoncé par Thierry Repentin, Président de l'Union sociale pour l'habitat.

C'est une statistique édifiante, qu'a dévoilée récemment la revue spécialisée « Profession logement ». Des Français aisés, voire très riches, sont hébergés en HLM, alors qu'ils n'ont aucune raison d'occuper des logements dans le parc social. Au vu d'une photographie du parc HLM réalisée par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes), 53.000 ménages appartenant aux 10 % des foyers les plus riches de France étaient, à la fin 2007, hébergés en HLM, dont 37.000 en Ile-de-France (18.000 à Paris, 19.000 hors de Paris) et 15.000 en province. Ces ménages riches sont classés parmi les foyers qui appartiennent au « dixième décile » des revenus sur une échelle qui en compte dix. Concrètement, ces familles disposent d'au moins 11.200 euros par mois lorsqu'elles comptent un seul enfant et d'au moins 13.500 euros par mois avec deux enfants ? le revenu disponible étant diminué de l'impôt sur le revenu. En d'autres termes, dans Paris, 31,4 % des locataires du parc locatif social parisien comptaient à la fin 2007 parmi les 30 % des ménages les plus riches de France... Dès lors, 61.000 logements locatifs sociaux pourraient être ? au moins en théorie ? libérés dans la capitale pour héberger des ménages modestes.

Si l'on considère l'ensemble des ménages aisés, autrement dit ceux qui appartiennent aux huitième, neuvième et dixième déciles de revenus, ce sont 378.000 familles (dont 207.000 en Ile-de-France et 171.000 en province) qui étaient hébergées en HLM en 2007, sachant qu'elles disposaient d'au moins 5.300 euros par mois avec un enfant et de 6.400 euros par mois avec deux enfants. Si ces chiffres remontent à 2007, il est à craindre que la situation n'ait pas évolué.

« Situations anecdotiques »

« Nous avons du mal à recouper les chiffres de l'Onpes avec ceux de l'enquête officielle sur l'occupation du parc social, objecte Thierry Repentin, le président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui regroupe 773 organismes HLM. En tout état de cause, les locataires ?riches? ne représentent que 1 % du logement social : il s'agit donc de situations anecdotiques au regard des 4,3 millions de ménages présents en HLM. » Thierry Repentin promet toutefois de « ne pas laisser perdurer ces situations, même si elles sont marginales ».

Quant à vendre des logements HLM, comme le préconise le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, pour dégager des fonds propres, Thierry Repentin rétorque : « Si je dois vendre des logements, ce n'est certainement pas aux 10 % des Français les plus riches ? mais aux Français modestes et moyens. »

« Nous mettons en vente 40.000 logements par an, mais nous n'en vendons que 4.500, reprend-il. Même les bailleurs sociaux les plus performants ne vendent pas plus de 1 % de leur parc chaque année alors que nous proposons souvent une décote de 30 % par rapport à l'estimation du bien immobilier et que nous nous engageons à le racheter en cas de défaillance ou de renoncement de l'acheteur. Mais il n'y a pas en face suffisamment d'appétit d'achat. Les locataires HLM n'ont pas toujours les moyens d'acheter et souvent pas envie d'acquérir le logement qu'ils occupent, mais d'acquérir un appartement situé dans une autre copropriété de meilleur standing ou un pavillon. »

L'opinion de Thierry Repentin, Président de l'Union sociale pour l'habitat

La Tribune - Comment expliquer que les HLM hébergent 10 % des ménages les plus riches de France ?

Thierry Repentin - Cet état de fait est souvent le fruit d'une situation ancienne : des personnes ont intégré les HLM à un moment où leurs revenus étaient bien moins élevés. Or la loi pose comme principe le maintien dans le logement social. Les locataires riches ne pèsent, en outre, que 1 % des 4,3 millions de locataires HLM : il s'agit de situations anecdotiques. En outre, loin de s'être embourgeoisé, le parc social se paupérise. Les derniers chiffres qui remontent à 2006 montrent que 40 % des locataires du parc social ont un revenu inférieur à 1.200 euros par mois, contre 12 % en 1973. A l'inverse, la part des familles disposant de plus de 3.200 euros par mois est passée de 24 % à 7,7 %. La tendance récente accentue cette évolution. Pour autant, rien ne justifie que les locataires très riches soient maintenus en HLM. Il ne faut pas laisser perdurer ces situations.

- En Ile-de-France, où la situation du logement est très tendue, 207.000 ménages aisés au sens large habitent en HLM...

- La loi et les ministres de la Ville successifs ont toujours plaidé pour que les personnes qui dépassent les plafonds de ressources soient maintenues en HLM dans les zones urbaines sensibles pour garder un semblant de mixité sociale. A Paris, la présence de nombreux locataires aisés en HLM tient aussi au fait que la capitale connaît une envolée des prix immobiliers, bien supérieure au niveau de vie de nos concitoyens.

- Quelle est votre marge de manoeuvre pour remettre en cause le droit au bail des locataires aisés ?

- Nous faisons et ferons tout ce que la loi nous permet, sachant que 1,2 million de ménages pauvres ou modestes sont sur liste d'attente pour entrer dans le parc social. La loi de mobilisation et de lutte contre l'exclusion rend automatique l'application d'un surloyer de solidarité (SLS) en HLM dès que les plafonds de revenus ont été dépassés de 20 %. Mais ce dispositif n'est pas assez dissuasif pour les plus riches, car la loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009 a introduit un plafond du SLS pour ces catégories les plus aisées. Ainsi, une famille qui dispose de plus de 10.000 euros de revenus ne peut pas acquitter un total (loyer plus sur-loyer) dépassant de plus de 25 % ses revenus. Mais, un nouvel outil nous permet de transformer le bail des locataires dont les revenus atteignent le double des plafonds d'accès au logement social en un bail de trois ans pour les obliger à quitter les lieux. Nous n'avons toutefois pas encore le recul nécessaire pour en apprécier l'efficacité.