Non, l'immobilier n'affecte pas la compétitivité... affirment les promoteurs

Par Mathias Thépot  |   |  1156  mots
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En réaction à plusieurs études publiées récemment qui démontraient que le coût élevé du logement bridait la compétitivité française, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) publie une étude en partenariat avec un institut d'économistes qui prouve le contraire. Mais les arguments qui y sont avancés sont à prendre avec recul.

Le coût trop élevé du logement précipite-il l'économie française dans le fossé ? "Certainement pas !", revendique la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui publie un rapport sur le sujet en collaboration avec l'institut d'études économiques Coe-Rexecode. Plusieurs publications récentes, notamment un rapport de Bercy, montrent pourtant le contraire. Même la ministre du logement Cécile Duflot l'affirme dans une interview parue ce vendredi 5 juillet dans l'hebdomadaire de la Tribune. 
A contre-courant, l'étude FPI-Coe-Rexecode émet deux conclusions...à analyser avec recul. L'une accrédite la thèse d'une faible relation entre l'évolution des prix de l'immobilier et la perte de compétitivité de l'économie française; et l'autre qu'une baisse des prix de l'immobilier dans les zones tendues en France "créerait les conditions d'une nouvelle phase ultérieure de hausse soutenue".
 

Il n'y a pas de "déflation heureuse"

Pour avancer cette dernière conclusion, l'institut Coe-Rexecode part du postulat qu'"il n'y a pas de déflation heureuse" dans l'immobilier.
En effet, selon son directeur général Dennis Ferrand, "la baisse des prix induit un comportement récessif de l'investissement en logement, car l'apport personnel des ménages souhaitant acquérir après avoir cédé un bien s'amenuise". Donc "lorsque la hausse des prix de l'immobilier résidentiel a pour origine une pénurie d'offre, une phase de baisse des prix qui viendrait précipiter un tarissement de l'investissement en logement ne peut qu'accentuer la situation initiale de pénurie de logements, créant ainsi les conditions d'une nouvelle phase ultérieure de hausse de prix", note le rapport.
Toute action entraînant une lourde chute des prix est donc, selon Coe-Rexecode et la FPI, à proscrire. Les hausses folles non maîtrisées des prix de l'immobilier dans les zones tendues constatées ces 10 dernières années seront donc irrattrapables à court et moyen terme. Les ménages devront s'y résoudre. Notamment tous ceux qui consacrent dans les zones tendues plus de 40% de leurs revenus pour se loger...

Une offre inadaptée à la demande

L'argument de la FPI et de Coe-Rexecode est peut-être recevable mais occulte quelques spécificités du marché français dans les zones tendues.
Nous sommes bien, comme le dit l'étude, en situation de pénurie d'offre de logements dans certains endroits, mais si cette offre était parfaitement adaptée à la demande, les prix continueraient logiquement à grimper. Or ce n'est pas le cas car le marché des transactions est à l'arrêt : les prévisions des professionnels pour 2013 tablent sur plus de 200 000 transactions de moins qu'en période faste.
Ceci est tout simplement dû au fait que les ménages ne peuvent plus tenir financièrement de nouvelles hausses de prix à l'achat. Un réajustement des prix à la baisse ne ferait donc que normaliser les rapports entre les agents économiques de ce secteur. Et si une baisse généralisée des prix s'enclenche, les apports personnels après cessions s'amenuiseront, certes, mais les acquisitions qui suivront coûteront aussi moins cher. Il n'y a sur ce point pas d'effet cataclysmique à prévoir.

Baisse du prix du logement ne veut pas dire hausse de la consommation

Un gain de pouvoir d'achat lié à une baisse de coût de l'immobilier n'a en revanche, selon Coe-Rexecode, que très rarement eu d'effet significatif sur la consommation des ménages, supposée soutenir davantage l'économie locale.
Ainsi sur un panel de 22 pays de l'OCDE ayant constaté ces dernières années des baisses de prix de l'immobilier résidentiel, les dépenses de consommation des ménages en volume n'y ont augmenté que dans 9 d'entre eux. Et dans ces cas, la croissance des dépenses des ménages n'a été que de 1,4% en moyenne. Un comportement que Dennis Ferrand attribue notamment à la constitution d'une épargne de précaution.
Contrairement aux préconçus, il constate même que la consommation des ménages se porte mieux quand les prix de l'immobilier augmentent. En effet, dans les même pays, "la consommation observée durant les cinq années ayant précédé l'atteinte du point haut des prix de l'immobilier résidentiel croît de 3,6% par an", explique Dennis Ferrand. Ce chiffre est cependant à prendre avec précaution car il inclut les hausses de loyers, qui font partie intégrante du coût du logement.

L'immobilier, facteur aggravant de la compétitivité ?

L'institut d'études économiques démontre également que la relation entre l'évolution des prix de l'immobilier et la perte de compétitive de l'économie est faible.
Ce, notamment car la hausse des prix de l'immobilier a eu moins de poids que la hausse des rémunérations salariales entre 1998 et 2010 sur le déclin de la compétitivité française.
Mais est-ce là un argument pertinent ? Puisque de toute évidence la masse salariale est dans la très grande majorité des cas le premier poste de coût pour une entreprise, bien plus important que le poste immobilier.
Si l'étude FPI/Coe-Rexecode s'attache à démontrer que le prix élevé de l'immobilier n'est pas le facteur déclencheur de la perte de compétitivité de la France, elle reste en revanche assez floue sur son caractère aggravant.
On peut par exemple penser qu'à Paris, le coût des loyers de bureaux est désormais un réel sujet de préoccupation pour les entrepreneurs, car il devient intenable.

Pour les salariés non plus, il n'y a pas de déflation heureuse...

Toujours pour avancer la même thèse, Coe-Rexeceode montre que les salaires horaires ont crû de la même façon entre 1991 et 1997, phase de baisse des prix de l'immobilier, qu'entre 2003 et 2008, phase de hausse. Il ne voit donc pas de relation direct entre inflations immobilière et salariale qui auraient pu nuire à la compétitivité française. En clair, les ménages n'ont pas réussi à répercuter la hausse du coût de leur logement sur leur salaire auprès de leur employeur. Eux aussi ont donc subi une "déflation malheureuse", que Coe-Rexeceode omet cette fois de noter...

Enfin, l'institut d'études a remarqué des liens périodiques entre hausses des prix de l'immobilier et dégradation de la balance courante. Sur 27 pays de l'OCDE qui ont connu une hausse des prix de l'immobilier ces dernières années, "19 d'entre eux ont vu leur balance des paiements courants se dégrader durant les cinq années ayant précédé l'atteinte d'un point haut des prix". La France étant même le pays qui a connu la dégradation la plus importante de sa compétitivité lors d'une phase de croissance des prix, indique Dennis Ferrand. Un argument en faveur de la thèse de Bercy, que Dennis Ferrand s'efforce de tempérer, en avançant un taux de corrélation constaté entre les deux variables faiblement significatif.