Immobilier : est-il encore raisonnable de soutenir la demande ?

Par Mathias Thépot  |   |  690  mots
Il est de bon ton en cette période de faire l'éloge de la politique de l'offre", déclarait récemment Cécile Duflot
Le gouvernement assume de donner la priorité à l’accroissement de l'offre de logements et rejette sur la droite la responsabilité des effets pervers d'un soutien excessif à la demande.

Le soutien à la demande de logements en France aurait-il trop d'effets pervers ? On peut le penser si l'on se penche sur la politique menée ces 20 dernières années, où les dispositifs de soutien à la demande sont étroitement corrélés à la hausse des prix de l'immobilier.
Au point que même la gauche au pouvoir se défend désormais de soutenir l'offre. La ministre du Logement Cécile Duflot prêchait ainsi récemment pour sa paroisse : "Depuis dix-huit mois, nous menons une politique active et exigeante de l'offre", tout en se défendant farouchement, au nom des écologistes, d'avoir "jamais plaidé pour une relance par la demande si celle-ci revient à favoriser la surconsommation, à provoquer l'inflation et à encourager le gaspillage des ressources naturelles".

La droite a orchestré la hausse des prix ?

Lors de ses vœux à la presse, elle est même allée jusqu'à mettre la politique de soutien excessif à la demande sur le dos de l'opposition : "Si l'on prend pour exemple le domaine du logement, au cours des dix dernières années, la droite française a privilégié une politique de la demande. Et les conservateurs britanniques la conduisent aujourd'hui".
Tout ceci entraînant la déconnexion des prix des logements (ils ont presque doublé en France depuis la fin des années des années 90) des revenus des ménages.

La ministre vise notamment le dispositif fiscal d'aide à l'investissement locatif "Scellier" première version, mal ciblé, qui "pourrait avoir entraîné une hausse des prix en moyenne de 7 euros par mètre carré à la frontière de la zone B2, ce qui correspond à 7 % de hausse pour ces zones situées à la marge du dispositif. L'impact du dispositif sur les prix a été le plus fort en grande région parisienne et en région méditerranéenne", détaille une note du Conseil d'analyse économique datant de février 2013.
Dans le même esprit, le prêt à taux zéro PTZ qui a officié jusqu'en 2011 dans l'ancien, et existe toujours dans le neuf, n'aurait réellement déclenché qu'un petite part d'accession. Il a donc eu un effet d'aubaine massif, favorisant la hausse des prix, selon les économistes du CAE.

La hausse des prix est anti-redistributive

Mais face aux demandes répétées des professionnels de l'immobilier pour rétablir le PTZ dans l'ancien, où tout du moins élargir son périmètre dans le neuf, les pouvoirs publics restent de marbre.
On assiste désormais à une étrange situation où la gauche se targue de mener une politique de l'offre et accuse la droite de soutenir excessivement la demande… "Il est de bon ton en cette période de faire l'éloge de la politique de l'offre", s'amusait ainsi Cécile Duflot.

Il faut dire qu'en matière de logement, toute politique favorisant "la hausse des prix est anti-redistributive car la répartition de la terre est tout sauf égalitaire.
D'abord, la hausse des prix, qui est concentrée sur certaines régions (notamment l'Île-de-France), accentue les inégalités territoriales et renforce les phénomènes d'exclusion. Elle constitue en outre un transfert des jeunes générations vers les plus anciennes, déjà propriétaires, et les ménages jeunes modestes se trouvent très pénalisés dans l'accession à la propriété", notait les économistes du CAE, toujours dans cette même note de début 2013. 

40% des français subissent la hausse des prix de plein fouet

De surcroît en immobilier, en plus des acheteurs et des vendeurs, il y a des locataires qui représentent tout de même un peu plus de 40% de la population française. Eux subissent de plein fouet l'augmentation des prix des logements dans les tendues. Ce qui rend d'autant plus pernicieux les politiques publiques soutenant la hausse des prix.

Pour toutes ces raisons, les pouvoirs publics se refusent désormais à reproduire les erreurs du passé. D'autant que Bercy veille sur ses finances publiques : créés pour certains dans les années 1990, les dispositifs fiscaux immobiliers ont toujours un coût non négligeable pour l'État: 4,34 milliards d'euros en 2013.