Annonce immobilière raciste : l'arbre qui cache Laforêt ?

Par Hugo Baudino  |   |  752  mots
Un tweet dénonçant une pratique discriminatoire dans la mise en location d'un appartement à Levallois-Perret a été relayée par France Info le mardi 27 décembre. Depuis, les réactions s'enchaînent pour dénoncer cette pratique, qui n'est peut-être pas si rare que ça dans l'immobilier...

Le réseau d'agence immobilière Laforêt a annoncé mercredi 28 décembre avoir suspendu son contrat de franchise avec une agence située aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, après qu'une fiche de location clairement discriminatoire ait été rendue publique. Retour sur les faits.

Le 25 novembre dernier, un internaute poste une photo sur Twitter, on y voit la fiche descriptive d'un bien immobilier mis en location, où la partie "commentaires" est entourée en rouge. Et pour cause, y est écrit : "ATTENTION IMPORTANT POUR LA SÉLECTION DES LOCATAIRES : Nationalité française obligatoire, pas de noir. Immeuble avec des policiers uniquement." L'internaute mentionne dans son tweet Laforêt, ainsi que SOS Racisme et le Défenseur des droits, les interpellant sur la légalité d'un tel critère.

Les personnes mentionnées ne réagiront pourtant qu'un mois plus tard, après que France Info a relayé le tweet de l'internaute le mardi 27 décembre. Le Défenseur des droits annonce dans la foulée à l'AFP s'être auto-saisi de l'affaire, afin d'enquêter auprès de l'agence et de la propriétaire. Le lendemain, trois associations de lutte contre le racisme et les discriminations entament des procédures judiciaires. Le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a ainsi annoncé sur son site internet avoir "lancé la première action de groupe contre les discriminations", se servant ainsi du texte de loi autorisant ce type d'action adopté le 18 novembre dernier (dont le Cran est à l'origine). De son côté, la Licra a déclaré avoir saisi le Parquet de Paris et vouloir se porter partie civile. La Maison Des Potes-Maison de l'Egalité est allé jusqu'à porter plainte directement contre l'agence immobilière.

L'agence et la propriétaire de l'appartement se renvoient la patate chaude

Interrogé par France Info, Laurent Balestra, responsable de l'agence immobilière Laforêt des Lilas, a déclaré mardi que l'aspect incontestablement discriminatoire de la fiche venait d'une "injonction de la propriétaire qui est raciste". La mention aurait ensuite été laissé dans la description par une agent "naïve et mal formée". Il a ensuite rappelé que l'agence était située aux Lilas et selon lui, "dans le 93, on ne peut pas se permettre ça [d'être raciste]". Cette formule, au mieux maladroite, n'a pas manqué de faire réagir un élu Front de Gauche de Saint Denis, Madjid Messaoudene (voir le tweet ci-dessous). "Lorsque les propriétaires sont racistes, je donne comme directive à mes employés de ne pas prendre les dossiers", a tenu à ajouter le directeur de l'agence. La propriétaire de l'appartement situé à Levallois-Perret serait donc une brebis raciste égarée qui aurait réussi à passer entre les mailles du filet ?

Cette dernière a également donné son point de vue, toujours sur France Info, clamant n'être "absolument pas raciste" et ne pas pratiquer de discrimination car elle avait "trois locataires maghrébins dans cet immeuble et une locataire noire". Il n'est pas précisé s'ils sont tous policiers, comme le mentionnait la fiche descriptive. Cette phrase malencontreuse viendrait donc, selon elle, de l'agence seule, avec qui elle aurait d'ailleurs stoppé tout collaboration depuis le 31 octobre : "je n'étais pas satisfaite de leur travail", ajoute-t-elle. Surprenant quand on sait que la photo de la fiche technique a été publiée près d'un mois après cette date...

Un cas isolé ?

Cette affaire soulève, à juste titre, l'indignation à plusieurs points de vue : discrimination, distinction entre "nationalité française" et "noir", voire même impossibilité de faire cohabiter des policiers avec des Noirs ou des gens d'autres nationalités... Elle est surtout probablement révélatrice d'une pratique pas si rare que ça. En rappelant que que son agence refuse systématiquement les propriétaires racistes, Laurent Balestra sous-entend que la demande a déjà dû lui être faite plusieurs fois. Pour les associations antiracistes, en tout cas, cette affaire est la preuve d'une pratique qu'elles dénoncent depuis de nombreuses années. "Ce n'est pas si souvent qu'on affaire à des cas de flagrant délit comme celui-là", rappelle le porte-parole de la Licra, car "d'ordinaire, les cas de discrimination sont difficiles à prouver".

(avec AFP)