Boycott d'Airbnb par Berlin : est-ce surprenant ?

Par Mathias Thépot  |   |  624  mots
Les dérives sur le site Airbnb risquent d'alimenter la pénurie de logement à Berlin.
Berlin prend des mesures drastiques contre Airbnb. Pas surprenant au regard de la culture allemande du logement, qui n'apprécie pas les mouvements spéculatifs.

Berlin s'apprête à frapper fort sur les pratiques des plateformes du type Airbnb. A compter du 1er mai, la ville-Etat allemande va tout simplement interdire les locations d'appartements aux touristes sur les plateformes comme Airbnb, sous peine pour les loueurs de se voir infliger une amende de... 100.000 euros. Ce que Engelbert Lütke Daldrup, le secrétaire d'Etat au Logement de la capitale allemande, justifie ainsi:

« Dans certains immeubles, on trouve plus de touristes que de locataires ! »

Dans le viseur, les pratiques qui réduisent l'offre locative

Selon lui, 10.000 appartements auraient été retirés du marché locatif à cause de la plateforme. Or, si « nous avons construit 12.000 logements en 2015, ce n'est pas pour qu'Airbnb réduise nos efforts à néant », s'agaçait-il. Désormais, seules les locations de chambres individuelles seront autorisées à Berlin. La capitale allemande cible en priorité les pratiques qui ont pour conséquence de réduire l'offre de logements pour les berlinois.

Au total, à Berlin, environ 24.000 offres seraient mises à la disposition des touristes par des particuliers, dont pas moins de 16.000 offres sur le seul site d'Airbnb. Le succès du site de locations de courte durée tient notamment au fait que ces pratiques sont bien plus rentables pour un loueur que de la location de longue durée, car les touristes sont prêts à mettre le prix pour passer un week-end dans une ville attractive.

Un pays qui ne plaisante pas avec la spéculation immobilière

Certes encouragée par les hôteliers qui perdent des parts de marché, la réaction de Berlin face à la vague Airbnb n'est cependant pas si surprenante. En effet, en Allemagne, on ne plaisante pas avec les comportements spéculatifs quand cela concerne le logement de la population. Surtout, dans une ville comme Berlin, où environ 85 % des habitants sont locataires.

Culture de la location chevillée au corps, l'Allemagne n'hésite pas à encadrer le prix des loyers dans les périodes de surchauffe. D'ailleurs, dès qu'elle entrevoit les prémisses d'une bulle immobilière, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, avertit rapidement les pouvoirs publics et le secteur financier domestique.

L'exemple le plus criant de cette culture historique de la location à bas prix est certainement l'interdiction en Allemagne de donner congé à un locataire qui paie son loyer. Seule la reprise pour occupation personnelle du propriétaire est autorisée, mais elle est très encadrée. Et lorsque, récemment, les prix de l'immobilier et les loyers se sont emballés outre-Rhin, les pouvoirs publics ont instauré un encadrement de la hausse des loyers à la relocation qui s'applique pour l'instant à Berlin et à Hambourg. Une mesure de soutien aux locataires qui prouve bien que l'Allemagne ne plaisante pas avec les risques d'excès sur son marché de l'immobilier.

Le logement à prix abordable facteur de compétitivité

L'Allemagne est ainsi le pays où les prix de l'immobilier ont le moins augmenté depuis la fin des années 1990. Maintenir les prix des logements à des niveaux abordables est primordial outre-Rhin. Il en va en fait de la santé économique du pays : le coût du logement n'a, en comparaison avec ses voisins européens, que faiblement pesé ces 20 dernières années sur le budget des ménages allemands. Ce qui a notamment facilité la mise en œuvre par Berlin d'une politique de forte modération salariale, avec notamment les fameuses réformes Hartz du milieu des années 2000.

Autrement dit, les prix de l'immobilier bas ont, à leur manière, participé à accroître la compétitivité de l'Allemagne. La saillie de Berlin contre Airbnb s'intègre dans cette tendance : la ville-Etat ne saurait se permettre de laisser se développer une pénurie d'offre de logements qui aurait des répercussions inflationniste sur l'immobilier résidentiel.