Immobilier : devenir propriétaire reste compliqué

Par Mathias Thépot  |   |  796  mots
Le niveau élevé des prix par rapport aux revenus frustre les ménages qui souhaitent devenir propriétaires.
Malgré la reprise dans l'immobilier, une majorité de français estime qu'il reste difficile d'accéder à la propriété. La faute à des niveaux de prix immobiliers encore trop élevés.

L'année 2015 a été marquée par la reprise sur le marché de l'immobilier résidentiel. Le nombre de transactions dans l'ancien s'est élevé à 800.000, et dans le neuf, ce sont 210.000 ventes qui ont été enregistrées. Des niveaux bien supérieurs à ceux constatés lors des trois années précédentes, notamment 2014, considérées comme des années de crise. Ça va donc mieux sur le marché de l'immobilier résidentiel, qui a repris son rythme de croisière et pourrait même dès 2016 voir son activité atteindre un niveau supérieur à ceux d'avant la crise de 2008.

Le courtier immobilier Cafpi estime notamment qu'environ 850.000 transactions dans l'ancien pourraient être enregistrées cette année. De quoi rendre les professionnels de l'immobilier très optimistes : 74% le sont selon les indices de confiance. Une situation en fort contraste avec les années précédentes, lors desquelles les acteurs de l'immobilier n'hésitaient pas à faire part de leur profonde détresse.

 Taux de crédits immobiliers très bas

Le principal vecteur de ce spectaculaire redressement de l'activité est, du reste, le niveau toujours plus bas des taux d'intérêt nominaux de crédits immobiliers (1,77% en moyenne en mai selon l'Observatoire Crédit Logement CSA). Ces crédits sont pour la quasi-totalité d'entre eux accordés à taux fixe, ce qui les rend hyper attractifs pour les ménages qui peuvent ainsi se prémunir des risques en cas de remontée des taux à l'avenir.

Pourtant, malgré cet environnement financier attrayant, les ménages français restent peu optimistes sur leur possibilité d'accéder à la propriété. Selon un sondage réalisé par l'institut Ifop pour Cafpi, 65% des Français estiment en effet qu'il reste difficile de devenir propriétaire d'un logement en France. Un pessimisme qui n'amène que 30% d'entre eux à prévoir de devenir propriétaire au cours des cinq prochaines années, ajoute l'institut Ifop.

Des prix de l'immobilier trop élevés

L'élément qui explique ce paradoxe entre le contexte favorable et le pessimisme ambiant des ménages est sans conteste le niveau élevé des prix de l'immobilier. C'est d'ailleurs la principale raison avancée par les personnes interrogées par l'Ifop. En effet, dans l'ancien notamment, les prix ont reculé de 6% depuis 2011 en France, alors qu'ils avaient augmenté de ... 150% entre 1998 et 2011, sachant que plus le marché immobilier est tendu, plus le décalage entre les cycles de hausse et de baisse sont importants.

Bref, le rattrapage des prix est encore largement insuffisant, notamment par rapport à l'évolution des revenus : entre 2000 et 2015, les prix de l'immobilier ont augmenté entre 1,6 et 1,7 fois plus vite que les revenus des ménages français, selon les courbes de l'économiste Jacques Friggit.

Pas de chute importante des prix à prévoir

Un éventuel rattrapage des prix par rapport aux revenus est, du reste, difficilement prévisible dans les prochains mois. D'abord parce que le niveau moyen des taux d'intérêt de crédits immobiliers est en effet toujours très bas, et les perspectives de hausse ne se font pour l'instant pas sentir au regard de la politique monétaire toujours accommodante menée par la Banque centrale européenne (BCE).

Ensuite, en considérant les nouvelles mesures fiscales visant à soutenir la demande notamment dans le logement neuf (prêt à taux zéro renforcé et dispositif Pinel), il y a fort à parier que la demande devrait rester soutenue lors des prochains mois et que la baisse des prix sera donc limitée, surtout dans les zones tendues où l'offre de logements est mécaniquement contrainte. Enfin, les prévisions en terme de croissance en France sont certes meilleures que les années précédentes - Bercy prévoit 1,5 % de croissance en 2016 - mais elles restent encore insuffisantes pour laisser espérer une croissance significative des revenus des ménages.

Un choix politique

Le niveau des prix de l'immobilier trop élevé risque donc pour beaucoup de continuer d'agrémenter les frustrations d'une partie de la population qui souhaite devenir propriétaire mais qui ne le peut pas. Une frustration d'autant plus importante que les deux principales motivations pour acheter un bien immobilier sont, selon l'Ifop, ne pas payer de loyer à son propriétaire, et avoir le sentiment d'être chez soi...

Ces ménages qui ne peuvent toujours pas acheter sont en fait les victimes collatérales de la politique de relance de l'immobilier menée par le chef de l'Etat François Hollande depuis août 2014. Car le choix politique a été fait, pour stimuler la croissance et l'emploi, de soutenir une partie de la demande à l'accession à la propriété, et donc, en même temps, de soutenir la hausse des prix de l'immobilier, ou tout au moins d'en limiter la baisse.