Après Cahuzac, priorité à la lutte contre l'évasion fiscale dans l'UE

Par latribune.fr, avec AFP  |   |  704  mots
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Tirant les leçons de l'affaire Cahuzac, Paris souhaite un "Fatca" européen pour rendre automatique l'échange d'informations bancaires dans l'Union, en s'appuyant sur une demande croissante de transparence, attestée par l'évolution de la position d'un Luxembourg longtemps réputé opaque.

Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie et des Finances, a proposé dimanche sur Europe 1 la mise en place d'"un Fatca européen", qui permettrait "un échange d'informations automatique". "C'est un des sujets fondamentaux de la réorientation de l'Europe", a renchéri un peu plus tard son ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve, lors du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI. "Les Etats-Unis ont réussi à le faire, nous devons être capable de le faire", a-t-il fait valoir.

Le Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) est une loi américaine, adoptée en 2010, qui vise à lutter contre l'évasion fiscale. Elle impose aux établissements financiers étrangers de transmettre au fisc américain (IRS) des informations sur les comptes détenus par des contribuables américains (citoyens des Etats-Unis ou non): nom et adresse du titulaire, balance du compte, montant des retraits et des versements bruts... Ces données doivent lui permettre de recouper les déclarations de revenus individuelles faites par les contribuables.

De son côté, dans une interview donnée vendredi à la radio Deutschlandfunk, son homologue allemand Wolfgang Schäuble a annoncé que son pays allait s'engager pour une croisade internationale contre l'évasion fiscale. "Nous nous sommes engagés en faveur d'une collaboration avec tous les autres... Nous devons renforcer la pression", a-t-il souligné. La France et l'Allemagne feront d'ailleurs une proposition sur le blanchiment d'argent dans les prochains jours, a annoncé M. Moscovici.

Il faut dire que l'affaire de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac --qui a reconnu détenir un compte à l'étranger après des mois de mensonges-- et le début des révélations de "l'Offshore Leaks" d'une trentaine de médias internationaux sur les paradis fiscaux, ont marqué les esprits. Une nouvelle révélation est d'ailleurs venue enfoncer le clou dimanche, la télévision publique suisse (RTS) affirmant que Jérôme Cahuzac a tenté de placer 15 millions d'euros en Suisse en 2009.

Dans ce contexte, le Luxembourg, très critiqué pour ses pratiques bancaires, s'est dit prêt dimanche à réduire partiellement son secret bancaire. "Nous voulons renforcer la coopération avec les autorités fiscales étrangères", a affirmé le ministre des Finances Luc Frieden à un journal allemand. "La tendance internationale va vers un échange automatique d'informations bancaires. Nous n'y sommes plus strictement opposés".

Berlin a immédiatement salué l'initiative: "Je salue chaque démarche qui va en direction d'un échange automatique d'informations" bancaires, a déclaré M. Schäuble, dans une interview à paraître lundi au quotidien Saarbrücker Zeitung. L'Autriche, en revanche, s'accroche à son secret bancaire. "La position de l'Autriche reste inchangée", a expliqué à l'AFP Gregor Schütze, porte-parole de la ministre autrichienne des Finances, la conservatrice Maria Fekter. Et les récents événements ne devraient pas modifier à l'avenir le point de vue autrichien, affirme-t-on à Vienne.

L'Autriche et le Luxembourg, étaient jusqu'à présent les deux seuls pays de l'UE à refuser, au nom du secret bancaire, de transmettre automatiquement des informations sur les comptes de résidents de l'UE sur son sol à la suite de demandes judiciaires. Et pour l'heure, la législation européenne n'est pas très précise sur le sujet.

Une directive, adoptée fin 2012 et en vigueur depuis le début de l'année, vise à améliorer la coopération administrative dans le domaine fiscal, en renforçant notamment les mécanismes actuels d'échange d'informations (mise en place d'un délai maximum pour les procédures...). Autre règle: les États membres ne peuvent plus refuser de transmettre des informations au seul motif que ces informations sont détenues par une banque ou un autre établissement financier. Et ce n'est qu'à partir du 1er janvier 2015, que l'Europe compte imposer un échange automatique d'informations sur cinq catégories de revenu et de capital, à condition que tous les Etats membres soient d'accord.

Mais pour aller plus loin, "il faudra changer (la règle de) l'unanimité en matière de fiscalité", a relevé le commissaire européen au Marché intérieur Michel Barnier lors d'une émission RFI/TV5/Le Monde au cours de laquelle il s'est également dit pour un échange automatique d'informations entre les administrations comme entre les banques.