Ukraine : la Russie tente de calmer le jeu avec les Occidentaux

Par latribune.fr  |   |  917  mots
"Nous n'avons aucune intention ni intérêt à traverser la frontière de l'Ukraine", a indiqué samedi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sur la télévision publique russe. REUTERS.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry rencontrera le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dimanche à Paris, pour discuter de la façon de résoudre la crise ukrainienne.

La Russie a laissé entrevoir samedi la possibilité d'une sortie de crise négociée avec les Occidentaux en Ukraine, passant par une fédéralisation de l'ex-république soviétique, et a exclu toute nouvelle intervention après la prise de la Crimée. Le Kremlin a confirmé l'appel téléphonique de Vladimir Poutine à Barack Obama, annoncé la veille au soir par la Maison Blanche. Le président russe a appelé son homologue à étudier "les mesures que peut prendre la communauté internationale pour coopérer en vue d'une stabilisation".

Les deux dirigeants se sont mis d'accord sur le principe d'une rencontre rapide entre les chefs de leur diplomatie, John Kerry et Sergueï Lavrov, pour évoquer les "paramètres concrets d'un travail commun". De fait, les deux hommes se recontreront dimanche à Paris, a fait savoir samedi la porte-parole du département d'Etat américain, Jen Psaki. Washington avait annoncé cette prochaine entrevue, destinée à discuter d'une proposition américaine de sortie de crise. Vladimir Poutine a fait part de son inquiétude concernant le "déferlement d'extrémistes" actuel en Ukraine et la situation de la Transdniestrie, région russophone de Moldavie, ex-république soviétique entre l'Ukraine et la Roumanie, où stationnent des troupes russes. Il a dénoncé un "état de siège de facto" et demandé des pourparlers internationaux.

Cette ouverture intervient après des semaines d'escalade, qui ont suivi la destitution du président Viktor Ianoukovitch par des pro-européens et le rattachement de la Crimée à la Russie, entraînant une confrontation inédite depuis la Guerre froide entre Moscou et les Occidentaux, et l'application de sanctions américaines et européennes visant de hauts responsables russes. Vendredi encore, Barack Obama s'en était pris de manière très dure à Vladimir Poutine, l'accusant de "rancune au sujet de ce qu'il considère comme la perte de l'Union soviétique" et l'enjoignant de retirer ses troupes massées à la frontière ukrainienne.

Kiev craint que la Russie n'en reste pas là et intervienne désormais dans la partie orientale de l'Ukraine, majoritairement russophone et agitée par des manifestations séparatistes ces dernières semaines. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a indiqué vendredi qu'il avait reçu des assurances de Vladimir Poutine qu'il n'avait "aucune intention de mener une quelconque opération militaire" en Ukraine.

Samedi, Sergueï Lavrov a fermement démenti tout projet en ce sens et laissé entrevoir "une initiative commune" proposée aux Ukrainiens. "Nous n'avons aucune intention ni intérêt à traverser la frontière de l'Ukraine", a indiqué le chef de la diplomatie russe sur la télévision publique russe. Le ministre a demandé en revanche qu'en vue d'une sortie de crise, "le travail soit collectif" et que "les excès cessent" de la part des contestataires qui ont destitué le président Viktor Ianoukovitch. "Nos points de vue se rapprochent", a-t-il insisté.

Quels seraient les contours d'un règlement international? Sergueï Lavrov a donné une piste en évoquant une "fédéralisation" de l'ex-république soviétique, "exigence des régions du Sud et de l'Est". L'idée d'une "décentralisation" a déjà été évoquée par certains diplomates occidentaux et la France s'y est dit favorable, afin d'apaiser les tensions qui règnent dans ces régions très proches culturellement et économiquement de la Russie. Elles craignent de pâtir de l'orientation pro-européenne des autorités en place à Kiev depuis la fuite de M. Ianoukovitch fin février.

Mais un tel scénario risque de se heurter à une fin de non recevoir à Kiev, après l'humiliation subie en Crimée et au moment où la bataille pour la présidentielle du 25 mai s'accélère. Les prétendants ont jusqu'à dimanche soir pour s'enregistrer auprès de la commission électorale et les principaux partis se réunissent samedi pour investir leur candidat. Le favori des sondages, le député et milliardaire Petro Porochenko, s'est déclaré vendredi soir, et a aussitôt promis "une nouvelle armée, moderne et efficace, qui défendra la souveraineté et l'intégrité de l'Etat".

Il a reçu un soutien de poids samedi : celui de l'ex-champion de boxe Vitali Klitschko, qui renonce à la présidence pour se consacrer à la mairie de Kiev. Seul oligarque ukrainien a avoir ouvertement soutenu le mouvement de contestation pro-européen qui a abouti à la destitution du président Viktor Ianoukovitch, Petro Porochenko apparaît comme une personnalité de compromis. Il a été ministre des Affaires étrangères entre 2009 et 2010, sous le président pro-européen Viktor Iouchtchenko, puis ministre de l'Economie de mars à novembre 2012 sous le président Ianoukovitch.

La campagne s'annonce rude après l'officialisation de la candidature de la redoutable ex-Premier ministre Ioulia Timochenko, qui, à 53 ans, semble bien décidée à prendre sa revanche après avoir été battue par M. Ianoukovitch, son ennemi juré depuis la Révolution orange de 2004. "Tant que la Crimée sera occupée par le Kremlin, Vladimir Poutine restera pour moi l'ennemi numéro un de l'Ukraine", a martelé celle qui sort de deux ans de détention.

Mais un sondage paru cette semaine ne créditait Ioulia Timochenko, qui s'est déclarée jeudi, que de 8,2% des voix. Le Parti des régions devrait de son côté apporter son soutien à l'ex-gouverneur pro-russe de Kharkiv, Mikhaïlo Dobkine, qui dispose selon l'influent journal Dzerkalo Tyjnia du soutien de l'homme le plus riche d'Ukraine, l'influent Renat Akhmetov.